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Arthur Rimbaud CORRESPONDANCE

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CORRISPONDENZA RIMBAUDIANA






CORRESPONDANCE

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DOCUMENTS


[English]


LETTERS TO THEODORE DE BANVILLE


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LETTER TO THEODORE DE BANVILLE, MAY 24, 1870

Charleville (Ardennes), on May 24 187O.
To Mister Theodore de Banville.

Dear Professor,

We are now in the months of love; I'm almost seventeen. The hopefull and dreamy age, as they say, - and I have begun, a child touched by the Muse, - sorry if it is banal, - to express my beliefs, my hopes, my feelings, all those things proper to poets - I call this Spring.

And if I send you some of these verses, - and this through Alph. Lemerre, the good publisher, - it is because I love all the poets, all the good Parnassiens, - since the poet is a Parnassien, - in love with ideal beauty; it is what I admire in you, very naïvely, a descendant of Ronsard, a brother of our masters of 1830, a real romantic, a real poet. That is why, - it is foolish, isn't it, but still?...

In two years, in one year perhaps, I shall be in Paris. - Anch'io, gentlemen of the Press, I shall be a Parnassien! - I do not know what is inside me... that wants to come out... - I swear, dear Professor, that I shall always adore the two goddesses, Muse and Freedom.

Do not frown too much when you will read these verses... You would send me mad with joy and hope, if you would, dear Professor, arrange to make a place to Credo in Unam among the Parnassiens... I should be in the latest number of Parnasse: it would be the Credo of the poets!... - Ambition! O Mad Ambition!

Arthur Rimbaud.


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On the blue summer evenings, I shall go down the paths,
Getting pricked by the corn, crushing the short grass:
In a dream I shall feel its coolness on my feet
I shall let the wind bathe my bare head...

I shall not speak, I shall think about nothing...
But endless love will mount in my soul:
And I shall travel far, very far, like a gipsy,
Through the countryside - as happy as if I were with a woman!

20 April 1870
A.R.

OPHELIA


On the calm black water where the stars are sleeping
Etc [check ALL POEMS for full English version]

15 May 1870.
Arthur Rimbaud.

CREDO IN UNAM...


The Sun, the hearth of affection and life,
etc...............[check ALL POEMS]

29 April 1870
Arthur Rimbaud


If those verses should find a place in the contemporary Parnasse?
- aren't they the faith of the poets?
- I am not famous; does it matter? Poets are all brothers.
Those verses believe; they love; they hope: that is all.
Dear Professor, to me: help me a little: I am young: hold out your hand to me...

[cfr. Lettre à Banville]



LETTER TO THEODORE DE BANVILLE, AUGUST 15, 1871

To Monsieur Theodore de Banville.



TO THE POET ON THE SUBJECT OF FLOWERS

Thus continually towards the dark azure,
Etc [check ALL POEMS]

Alcide Bava
A. R.
14 July 1871



Sir and Dear Professor,

Do you remember that you received from province, in June 1870, one-hundred or one-hundred and fifty mythological hexameters called Credo in unam? You were enough good to answer me!

It is the same fool that send you the verses above, signed Alcide Bava. - Excuse me.

I am eighteen. - I shall always like the verses of Banville.

Last year I was only seventeen!

Did I make progress?

Alcide Bava
A.R.

My adress:

Mr Charles Bretagne,
Avenue de Mézières, à Charleville,
for
A. Rimbaud.


[cfr. 2ème Lettre à Banville



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LETTRES A THEODORE DE BANVILLE


LETTRE A THEODORE DE BANVILLE DU 24 MAI 1870

Charleville (Ardennes), le 24 mai 187O.
A Monsieur Théodore de Banville.

Cher Maître,

Nous sommes aux mois d'amour ; j'ai presque dix-sept ans. L'âge des espérances et des chimères, comme on dit, - et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse, - pardon si c'est banal, - à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes - moi j'appelle cela du printemps.

Que si je vous envoie quelques-uns de ces vers, - et cela en passant par Alph. Lemerre, le bon éditeur, - c'est que j'aime tous les poètes, tous les bons Parnassiens, - puisque le poète est un Parnassien, - épris de la beauté idéale ; c'est que j'aime en vous, bien naïvement, un descendant de Ronsard, un frère de nos maîtres de 1830, un vrai romantique, un vrai poète. Voilà pourquoi, - c'est bête, n'est-ce pas, mais enfin ?...

Dans deux ans, dans un an peut-être, n'est-ce pas, je serai à Paris. - Anch'io, messieurs du journal, je serai Parnassien ! - Je ne sais ce que j'ai là... qui veut monter... - Je jure, cher maître, d'adorer toujours les deux déesses, Muse et Liberté.

Ne faites pas trop la moue en lisant ces vers... Vous me rendriez fou de joie et d'espérance, si vous vouliez, cher Maître, faire faire à la pièce Credo in unam une petite place entre les Parnassiens...Je viendrais à la dernière série du Parnasse : cela ferait le Credo des poètes !... - Ambition ! ô Folle !

Arthur Rimbaud.


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Par les beaux soirs d'eté, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds
Je laisserai le vent baigner ma tête nue...

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien...
Mais un amour immense entrera dans mon âme :
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme !

20 avril 1870
A.R.

OPHELIE

1

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois de lointains hallalis...

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir :
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir :...

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses longs voiles bercés mollement par les eaux :
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle :
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid d'où s'échappe un petit frisson d'aile
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or...

II

O pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
- C'est que les vents tombant des grand monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

C'est qu'un souffle du ciel, tordant ta chevelure
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur entendait le coeur de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

C'est que la voix des mers, comme un immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
- C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole :
- Un infini terrible effara ton oeil bleu !....

III

Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher la nuit les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter comme un grand lys.

15 mai 1870.
Arthur Rimbaud.


CREDO IN UNAM...

........................................................
Le soleil, le foyer de tendresse et de vie
Verse l'amour brûlant à la terre ravie ;
Et quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang ;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d'amour comme Dieu, de chair comme la Femme,
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !

Et tout croît, et tout monte ! - O Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux
Et dans les nénuphars baisaient la Nymphe blonde.
Je regrette les temps où la sève du monde,
L'eau du fleuve jaseur, le sang des arbres verts,
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
Où tout naissait, vivait, sous ses longs pieds de chèvre
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ;
Où, baisant mollement le vert syrinx, sa lèvre
Murmurait sous le ciel le grand hymne d'amour ;
Où, debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante ;
Où les arbres muets berçant l'oiseau qui chante,
La Terre berçant l'homme, et le long fleuve bleu,
Et tous les Animaux aimaient au pied d'un Dieu !

Je regrette les temps de la grande Cybèle
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d'airain les splendides cités !...
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie
L'Homme suçait, heureux, sa Mamelle bénie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.

- Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux.
........................................................
Misère ! maintenant, il dit : Je sais les choses,
Et va les yeux fermés et les oreille closes !
S'il accepte des dieux, il est au moins un Roi !
C'est qu'il n'a plus l'Amour, s'il a perdu la Foi !
- Oh ! s'il savait encor puiser à ta mamelle,
Grande Mère des Dieux et des Hommes, Cybèle ;
S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
Et fit chanter partout, Déesse aux yeux vainqueurs,
Le Rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs !
........................................................
Je crois en Toi ! Je crois en Toi ! Divine Mère,
Aphroditè marine ! - Oh ! la route est amère,
Depuis qu'un autre dieu nous attelle à sa croix !
Mais c'est toi la Vénus ! c'est en toi que je crois !
- Oui, l'Homme est faible et laid, le doute le dévaste,
Il a des vêtements, parce qu'il n'est plus chaste,
Parce qu'il a sali son fier buste de Dieu,
Et qu'il a rabougri, comme une idole au feu,
Son corps Olympien aux servitudes sales !
Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
Il veut vivre, insultant la première Beauté !
Et l'Idole où tu mis tant de virginité,
Où tu divinisas notre argile, la Femme,
Afin que l'Homme pût éclairer sa pauvre âme
Et monter lentement dans un immense amour,
De la prison terrestre à la beauté du jour ;
- La Femme ne sait plus faire la Courtisane !...
- C'est une bonne farce ! et le monde ricane
Au nom doux et sacré de la grande Vénus !
........................................................
Oh ! les temps reviendront ! les temps sont bien venus !
Et l'homme n'est pas fait pour jouer tous ces rôles !
Au grand jour, fatigué de briser les idoles,
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Et comme il est du ciel, il scrutera les cieux !...
Tout ce qu'il a de Dieu sous l'argile charnelle,
L'idéal, la pensée invincible, éternelle,
Montera, montera, brûlera sous son front !
Et quand tu le verras sonder tout l'horizon,
Contempteur du vieux jougs, libre de toute crainte,
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte !...
Splendide, radieuse, au sein des grandes mers,
Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L'Amour infini dans un infini Sourire !
Le monde vibrera comme une immense lyre
Dans le frémissement d'un immense baiser !
- Le monde a soif d'amour : tu viendras l'apaiser.
....................................................
O ! L'Homme a relevé sa tête libre et fière !
Et le rayon soudain de la beauté première
Fait palpiter le dieu dans l'autel de la chair !
Heureux du bien présent, pâle du mal souffert,
L'Homme veut tout sonder, - et savoir ! La Pensée,
La cavale longtemps, si longtemps oppressée
S'élance de son front ! Elle saura Pourquoi ...!
Qu'elle bondisse libre, et l'Homme aura la Foi !
- Pourquoi l'azur muet et l'espace insondable ?
Pourquoi les astres d'or fourmillant comme un sable ?
Si l'on montait toujours, que verrait-on là-haut ?
Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau
De mondes cheminant dans l'horreur de l'espace ?
Et tous ces mondes-là, que l'éther vaste embrasse,
Vibrent-ils aux accents d'une éternelle voix ?
- Et l'Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ?
La voix de la pensée est-elle plus qu'un rêve ?
Si l'homme naît si tôt, si la vie est si brève,
D'où vient-il ? Sombre-t-il dans l'Océan profond
Des Germes, des Foetus, des Embryons, au fond
De l'immense Creuset d'où la Mère-Nature
Le ressuscitera, vivante créature,
Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ?...

Nous ne pouvons savoir ! - Nous sommes accablés
D'un manteau d'ignorance et d'étroites chimères !
Singes d'hommes tombés de la vulve des mères,
Notre pâle raison nous cache l'infini !
Nous voulons regarder : - le Doute nous punit !
Le doute, morne oiseau, nous frappe de son aile...
- Et l'horizon s'enfuit d'une fuite éternelle !...
.......................................................
Le grand ciel est ouvert ! les mystères sont morts
Devant l'Homme, debout, qui croise ses bras forts
Dans l'immense splendeur de la riche nature !
Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour !...
- C'est la Rédemption ! c'est l'amour ! c'est l'amour !...
........................................................
O splendeur de la chair ! ô splendeur idéale !
O renouveau sublime, aurore triomphale,
Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros,
La blanche Kallipyge et le petit Éros
Effleureront, couverts de la neige des roses,
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses !
- O grande Ariadnè, qui jette tes sanglots
Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,
Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,
O douce vierge enfant qu'une nuit a brisée,
Tais-toi : sur son char d'or brodé de noirs raisins,
Lysios, promené dans les champs Phrygiens
Par les tigres lascifs et les panthères rousses,
Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
- Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant
Le corps nu d'Europè, qui jette son bras blanc
Au cou nerveux du dieu frissonnant dans la vague...
Il tourne lentement vers elle son oeil vague...
Elle laisse traîner sa pâle joue en fleur
Au front du dieu ; ses yeux sont fermés ; elle meurt
Dans un divin baiser, et le flot qui murmure
De son écume d'or fleurit sa chevelure...
- Entre le laurier-rose et le lotus jaseur
Glisse amoureusement le grand cygne rêveur
Embrassant la Léda des blancheurs de son aile...
- Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
Étale fièrement l'or de ses larges seins
Et son ventre neigeux brodé de mousse noire ;
- Héraclès, le Dompteur, qui, comme d'une gloire
Couvrant son vaste corps de la peau du lion,
S'avance, front terrible et doux, à l'horizon !

Par la lune d'été vaguement éclairée,
Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre, où la mousse s'étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux...
- La blanche Sélénè laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
- La source pleure au loin dans une longue extase :
C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase
Au beau jeune homme fort que son onde a pressé...
- Une brise d'amour dans la nuit a passé...
Et dans les bois sacrés, sous l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres marbres,
Les Dieux, au front desquels le bouvreuil fait son nid,
- Les Dieux écoutent l'Homme et le monde infini !

29 avril 1870
Arthur Rimbaud



Si ces vers trouvaient place au Parnasse contemporain ?
- ne sont-ils pas la foi des poètes ?
- je ne suis pas connu ; qu'importe ? les poètes sont frères.

Ces vers croient ; ils aiment ; ils espèrent : c'est tout.
- Cher maître, à moi : Levez-moi un peu : je suis jeune : tendez-moi la main...



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LETTRE A THEODORE DE BANVILLE DU 15 AOUT 1871

A Monsieur Théodore de Banville.

CE QU'ON DIT AU POETE A PROPOS DE FLEURS


Ainsi, toujours, vers l'azur noir,
etc.............................
Alcide Bava
A. R.

14 juillet 1871

Monsieur et Cher Maître,

Vous rappelez-vous avoir reçu de province, en juin 1870, cent ou cent cinquante hexamètres mythologiques intitulés Credo in unam ? Vous fûtes assez bon pour répondre !

C'est le même imbécile qui vous envoie les vers ci-dessus, signés Alcide Bava. - Pardon.

J'ai dix-huit ans. - J'aimerai toujours les vers de Banville.

L'an passé je n'avais que dix-sept ans !
Ai-je progressé ?

Alcide Bava
A.R


Mon adresse :

Mr Charles Bretagne,
Avenue de Mézières, à Charleville,
pour
A. Rimbaud.




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LETTERS KNOWN AS "OF THE VISIONARY" (SEER)

Inspiration of the Poet. Nicolas Poussin, 1628-1629.

TO GEORGES IZAMBARD

Charleville, May 13th 1871.

Dear Sir!

So you are teacher again. We owe a duty to Society, you told me;you belong to the teaching profession: you are running along the right track. - I too, follow the principle: I am cynically getting myself kept; I dig up old imbeciles from school: All the stupid, dirty, nasty things that I can invent, in deed and words, I give it to them: I am paid in beer and women. Stat mater dolorosa, dum pendet filius. - I must devoted myself to Society, that's true, - and I'm right. - You too, are right, for the present. Basically, you only see subjective poetry in your principle: your obstinacy to go back to the university rack, - forgive me! - proves it! But you will always end up like a self-satisfied who did nothing, having never wanted to do anything. Not to mention that your subjective poetry will always be terribly insipid. One day, I hope, - many other people hope the same thing, - that I shall see the objective poetry in your principle, I shall see it more sincerely than you would! - I shall be a worker: that is the idea that holds me back, when mad rage drives me towards the battle of Paris - where so many workers are still dying as I write to you! Work now, never, never;I'm on strike.
Now, I louse up myself as much as possible. Why? I want to be a poet, and I'm working to make myself a Seer: you will not understand at all, and I hardly know how to explain it to you. The point is to arrive at the unknown by the dissoluteness of all the senses. The suffering are enormous, but one has to be strong, to be born poet, and I have recognized myself to be a poet. It is not my fault at all. It is wrong to say: I think. One ought to say: I am thought. - Pardon the pun. –
I is someone else. No matter for the wood that finds itself a violin, and scoff at the thoughtless, who argue about something they completely ignore!
You are not a Teacher for me. I give you this: is it satire, as you would say? Is it poetry? It is fantasy, always. - But, I beg of you not to underscore with your pencil, nor - too much - with your thought:



THE TORTURED HEART

My poor heart dribbles at the stern....
My heart full of caporal!
They squirt upon it jets of soup...
My poor heart dribbles at the stern
Under the gibes of the whole crew
Which burst out in a single laugh,
My poor heart dribbles at the stern
My heart full of caporal!

Ithypallic, erkish, lewd,
Their gibes have corrupted it;
At the vespers they are making frescos
Ithypallic, erkish, lewd;
O abracadantic waves
Take my heart that it may be saved!
Ithypallic, erkish, lewd,
Their insults have corrupted it!

When they have finished chewing their quids
What shall we do, o cheated heart?
It will be bacchic chorus then
When they have finished chewing their quids
I shall have stomach heavings then
If my poor heart is swallowed down:
When they have finished chewing their quids
What shall we do, o cheated heart?

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That does not mean nothing. - Answer me:

M. Deverrière, for A. R.

Hearty regards,

Ar. Rimbaud.


[cfr. Lettre à Georges Izambard, dite "du Voyant"]



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TO PAUL DEMENY

At Douai.

Charleville, May 15th, 1871.

I've decided to give you an hour of new literature. I begin now with a topical psalm:


PARISIAN WAR SONG

Spring is evidently here, for...
etc.............................
A.RIMBAUD.


Here is some prose about the future of poetry:
- all ancient poetry leads to the Greek one;Harmonious Life. - From Greece down to the romantic movement- Middle Ages - there are men of letters and versifiers. From Ennius to Theroldus, from Theroldus to Casimir Delavigne, all is rhymed prose, a game, the sloppiness and glory of innumerable idiotic generations: Racine is the pure, the strong, the great. If his rhymes had been breathed upon, his hemstitches got mixed up, the Divine Fool would have been as unknown today as the first author of Origins to come along. - After Racine the game went mouldy. It has lasted two thousand years.

Neither joke, nor paradox. The reason inspires me more certitude on this subject than a Young-France would ever have had with rage. Besides, freedom to the new! to execrate their ancestors: we are at home, and we have time.

Romanticism has never been properly judged. Who would have judged it? The critics!! The romantics, who prove so well that the song is so rarely the work, that is to say, the sung and understood thought of the singer?

For I is someone else. If brass wakes up a bugle, it is not his fault. That is obvious to me: I witness the unfolding of my thought: I watch it, I listen to it: I make a stoke of the bow: the symphony makes movement into the depths, or comes in one leap upon the stage.

If the old fools had not found only the false significance of the Ego, we should not now be having to sweep away these millions of skeletons which, since an infinite time,! have been piling up the fruits of their one-eyed intellects, proclaiming themselves to be the authors!

In Greece, I said, verse and lyres give rhythm to the Action. After, music and rhymes are a game, a pastime. The study of this past charmed the curious: many of them delight in reviving these antiquities: - it is for them. Universal intelligence has always thrown out its ideas, naturally;men picked up part of these fruits of the mind: they acted according to, they wrote books about them: so was the way things went on, the man not working upon himself, not being yet awakened, or not in the fullness of the great dream. Civil servants, writers: author, creator, poet, this man has never existed!

The first study of a man who wants to be a poet is his self-knowledge, complete;he looks for his own soul, he inspects it, he tests it, learns it. As soon as he knows it, he must cultivate it. That seems simple: in every mind a natural development takes place ;so many egoists proclaim themselves authors;there are many others who attribute their intellectual progress to themselves! - But the soul has to be made monstrous: after the fashion of the comprachicos*, if you like! Imagine a man planting and cultivating warts on his face.

I say that one must be a seer, make oneself a seer.

The Poet makes himself a seer by a long, immense, and rational dissoluteness of all the senses. All the forms of love, of suffering, of madness;he searches himself, he consumes all the poisons in him, to only keep their quintessence. Inexpressible torture where he needs all the faith, all the superhuman strength, where be becomes, above all others, the great patient, the great criminal, the great accursed, - and the supreme Savant! - For he arrives at the unknown! Because he has cultivated his soul, already rich, more than anyone else! He reaches the unknown, and when, terrified, he ends up by losing the meaning of his visions, at least he has seen them! Let him die of his bound through the unheard-of and countless things: other horrible workers will come;they will begin from the horizons where the other has succumbed!

- To be continued in six minutes -


Here I insert a second psalm;out of the text: be so good as to lend a friendly ear to it, - and everybody will be delighted. - I have the bow in hand, I begin:


MY LITTLE MISTRESSES

A tincture of tears washes
etc.............................
A.R


There. And please note that, if I were not afraid of making you pay out more than sixty centimes on postage, - I, poor pauper who, for seven months, haven't had a bronze cent! - I would also send you my Lovers of Paris, a hundred hexameters, Sir, and my Death of Paris, two hundred hexameters!
I go on:
So the poet is truly the thief of fire.
He is responsible for humanity, even for the animals; he will have to make feel, touch, hear his inventions;if what he brings back from over there has a form, he gives form;if it is formless, he gives it formless. A language has to be found;
Besides, every word being an idea, the time of a universal language will come. One has to be an Academician, - deader than a fossil -, to bring to perfection a dictionary of any language. Weak-minded people beginning to think about the first letter of the alphabet, would soon rush into madness!
This language will be from the soul for the soul, summing up everything, perfumes, sounds, colours, from the thought latching on to thought and pulling. The poet would define the quantity of unknown awakening in the universal soul in his own time;he would give more - than the formulation of his thought, than the notation of his walking toward Progress! Enormity becoming the norm, absorbed by everybody, he would really be a multiplier of progress!
This future will be materialist, as you see;- Always full of Number and Harmony, these poems will be made to stay. - in fact, it would be still Greek poetry, in a way.
Eternal art would have its function, since the poets are citizens. Poetry will no longer takes it rhythm from action; it will be ahead of it.
These poets will be! When the infinite servitude of woman is broken, when she lives for herself and by herself, the man, - hitherto abominable, - having given her her freedom, she too will be a poet! The woman will find some unknown! Will her worlds of ideas be different from ours? - She will find strange, unfathomable, repulsive, delicious things;we shall take them, we shall understand them.
Meanwhile, let us ask the poets for the new, - ideas and forms. All the clever ones would soon believe that they have satisfied this demand: - It is not so!
The first Romantics were seers without quite realising it: the cultivation of their souls began with accidents: abandoned locomotives, but burning, which the rails still carry along for a while. - Lamartine is sometimes a seer, but strangled by the old form. Hugo, too pigheaded, really has some Vision in his last works: Les Misérables is a real poem. I have Les Châtiments with me; Stella shows the limit of Hugo's vision. Too many Belmontet and Lamennais, Jehovahs and columns, old cracked enormities.
Musset is fourteen times execrable to us, suffering generations carried away by visions - to whom his angelic sloth is an insult! O! the insipid tales and proverbs! O the Nuits! O Rolla, O Namouna, O the Chalice! All is French, that is to say detestable to the highest degree;French, not Parisian ! One more work of the evil genius that inspired Rabelais, Voltaire, Jean La Fontaine,! with commentary given by M. Taine! Spring-like, Musset's wit! Charming, his love! There it is enamel painting, solid poetry! French poetry will be enjoyed for a long time, but in France. Every grocer's boy can reel off a Rollaesque speech, every seminarist has the five hundred rhymes hidden away in the secrecy of a notebook. At fifteen, these outbursts of passion make boys to be rutting, at sixteen they already content themselves with reciting with heart; at eighteen, even at seventeen, every schoolboy who has the ability, does a Rolla, writes a Rolla! Perhaps some still die of it. Musset was bot be able to do anything; there were visions behind the gauze of the curtains: he closed his eyes. French, sloppy, dragged from bar-room to schoolroom desk, the fine corpse is dead, and henceforth, let us not even bother to awaken it with our abomination!
The second Romantics are very seeing: Théophile Gautier, Lec. de Lisle, Th. de Banville. But because examining the invisible and hearing the unheard-of is quite different from recapturing the spirit of dead things, Baudelaire is the first seer, king of poets, a real God. But he lived in a too artistic circle;and the form which is so much praised in him is stingy: inventions of the unknown demand new forms.
Broken in the old forms, among the innocents, A. Renaud - has done his Rolla - L. Grandet - has done his Rolla;the Gauls and the Musset, G. Lafenestre, Coran, Cl. Popelin, Soulary, L. Salles;the scholars, Marc, Aicard, Theuriet;the dead and the imbeciles, Autran, Barbier, L. Pichat, Lemoyne, The Deschamps, the Desessarts;the journalists, L. Cladel, Robert Luzarches, X. de Ricard;the fantasists, C. Mendès;the bohemians;the women;the talents, Léon Dierx, Sully-Prudhomme, Coppée - the new school, called Parnassian, possesses two seers: Albert Mérat and Paul Verlaine, a real poet.
- There you are.- Thus I am working to make myself a seer. And let us finish with a pious song.


SQUATTINGS
Very late, when he feels his stomach churn,
etc.............................


You would be execrable not to reply: quickly because in a week I shall be in Paris, perhaps.

Goodbye. A. Rimbaud.


[Lettre à Paul Demeny, dite "du Voyant"]


- *comprachicos: word from "L'Homme qui rit" by Victor Hugo (1869). Children kidnappers who mutilated their victims to make monsters of them and win money with their exhibition.
- Rimbaud's letters written in London are kept in the Royal Library Albert I in Brussels. They are extracted from the book n° 4: Rimbaud les lettres manuscrites, commentaires, transcriptions et cheminements des manuscrits by Claude Jeancolas.
- Translation by Catherine, with the help of Angie, Dany, and Oliver Bernard's book: Arthur Rimbaud, Collected Poems.


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LETTRES DITES "DU VOYANT"


A GEORGES IZAMBARD

Charleville, 13 mai 1871.


Cher Monsieur !

Vous revoilà professeur. On se doit à la Société, m'avez-vous dit ; vous faites partie des corps enseignants : vous roulez dans la bonne ornière. - Moi aussi, je suis le principe : je me fais cyniquement entretenir ; je déterre d'anciens imbéciles de collège : tout ce que je puis inventer de bête, de sale, de mauvais, en action et en parole, je le leur livre : on me paie en bocks et en filles. Stat mater dolorosa, dum pendet filius. - Je me dois à la Société, c'est juste, - et j'ai raison. - Vous aussi, vous avez raison, pour aujourd'hui. Au fond, vous ne voyez en votre principe que poésie subjective : votre obstination à regagner le râtelier universitaire, - pardon ! - le prouve ! Mais vous finirez toujours comme un satisfait qui n'a rien fait, n'ayant voulu rien faire. Sans compter que votre poésie subjective sera toujours horriblement fadasse. Un jour, j'espère, - bien d'autres espèrent la même chose, - je verrai dans votre principe la poésie objective, je la verrai plus sincèrement que vous ne le feriez ! - Je serai un travailleur : c'est l'idée qui me retient, quand les colères folles me poussent vers la bataille de Paris - où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! Travailler maintenant, jamais, jamais ; je suis en grève.


Maintenant, je m'encrapule le plus possible. Pourquoi ? Je veux être poète, et je travaille à me rendre Voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute. C'est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense. - Pardon du jeu de mots. -


Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu'ils ignorent tout à fait !


Vous n'êtes pas Enseignant pour moi. Je vous donne ceci : est-ce de la satire, comme vous diriez ? Est-ce de la poésie ? C'est de la fantaisie, toujours. - Mais, je vous en supplie, ne soulignez ni du crayon, ni - trop - de la pensée :


LE COEUR SUPPLICIE

Mon triste coeur bave à la poupe....
Mon coeur est plein de caporal !
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste coeur bave à la poupe...
Sous les quolibets de la troupe
Qui pousse un rire général,
Mon triste coeur bave à la poupe
Mon coeur est plein de caporal !

Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l'ont dépravé ;
A la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques ;
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon coeur, qu'il soit sauvé !
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l'ont dépravé !

Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô coeur volé ?
Ce seront des refrains bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques :
J'aurai des sursauts stomachiques
Si mon coeur triste est ravalé !
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô coeur volé ?


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Ca ne veut pas rien dire. - Répondez-moi:
M. Deverrière, pour A. R.

Bonjour de coeur,

Ar. Rimbaud.


[Letter to Georges Izambard, known as "of the Visionary"]



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A PAUL DEMENY

à Douai.

Charleville, 15 mai 1871.

J'ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. Je commence de suite par un psaume d'actualité :


CHANT DE GUERRE PARISIEN

Le Printemps est évident, car
etc.............................
A.Rimbaud.


- Voici de la prose sur l'avenir de la poésie.
- Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque ; Vie harmonieuse. - De la Grèce au mouvement romantique, - moyen âge, - il y a des lettrés, des versificateurs. D'Ennius à Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose rimée, un jeu, avachissement et gloire d'innombrables générations idiotes : Racine est le pur, le fort, le grand. - On eût soufflé sur ses rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin Sot serait aujourd'hui aussi ignoré que le premier auteur d'Origines. - Après Racine, le jeu moisit. Il a duré deux mille ans !


Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison m'inspire plus de certitudes sur le sujet que n'aurait jamais eu de colères un jeune-France. Du reste, libre aux nouveaux ! d'exécrer les ancêtres : on est chez soi et l'on a le temps.


On n'a jamais bien jugé le romantisme ; qui l'aurait jugé ? Les critiques ! ! Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l'oeuvre, c'est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur ?


Car Je est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est évident: j'assiste à l'éclosion de ma pensée : je la regarde, je l'écoute : je lance un coup d'archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d'un bond sur la scène.

Si les vieux imbéciles n'avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n'aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ! ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s'en clamant les auteurs !


En Grèce, ai-je dit, vers et lyres rythment L'Action. Après, musique et rimes sont jeux, délassements. L'étude de ce passé charme les curieux : plusieurs s'éjouissent à renouveler ces antiquités : - c'est pour eux. L'intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ; les hommes ramassaient une partie de ces fruits du cerveau : on agissait par, on en écrivait des livres : telle allait la marche, I'homme ne se travaillant pas, n'étant pas encore éveillé, ou pas encore dans la plénitude du grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains : auteur, créateur, poète, cet homme n'a jamais existé !


La première étude de l'homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l'inspecte, Il la tente, I'apprend. Dès qu'il la sait, il doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s'accomplit un développement naturel ; tant d'égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d'autres qui s'attribuent leur progrès intellectuel ! - Mais il s'agit de faire l'âme monstrueuse : à l'instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s'implantant et se cultivant des verrues sur le visage.


Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.


Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu'il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d'autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé !

- la suite à six minutes -



Ici j'intercale un second psaume, hors du texte : veuillez tendre une oreille complaisante, et tout le monde sera charmé. - J'ai l'archet en main, je commence :


MES PETITES AMOUREUSES

Un hydrolat lacrymal lave
etc.............................
A.R.


Voilà. Et remarquez bien que, si je ne craignais de vous faire débourser plus de 60 c. de port, - moi pauvre effaré qui, depuis sept mois, n'ai pas tenu un seul rond de bronze ! - je vous livrerais encore mes Amants de Paris, cent hexamètres, Monsieur, et ma Mort de Paris, deux cents hexamètres ! - Je reprends :


Donc le poète est vraiment voleur de feu.


Il est chargé de l'humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions ; si ce qu'il rapporte de là-bas a forme, il donne forme si c'est informe, il donne de l'informe. Trouver une langue ;


- Du reste, toute parole étant idée, le temps d'un langage universel viendra ! Il faut être académicien, - plus mort qu'un fossile, - pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l'alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ! -


Cette langue sera de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d'inconnu s'éveillant en son temps dans l'âme universelle : il donnerait plus - que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Enormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès!


Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez ; - Toujours pleins du Nombre et de l'Harmonie ces poèmes seront fait pour rester. - Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque. L'art éternel aurait ses fonctions ; comme les poètes sont des citoyens. La Poésie ne rythmera plus l'action : elle sera en avant.


Ces poètes seront ! Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l'homme, jusqu'ici abominable, - lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi! La femme trouvera de l'inconnu ! Ses mondes d'idées différeront-ils des nôtres ? - Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons.


En attendant, demandons aux poètes du nouveau, - idées et formes. Tous les habiles croiraient bientôt avoir satisfait à cette demande : - ce n'est pas cela !


Les premiers romantiques ont été voyants sans trop bien s'en rendre compte : la culture de leurs âmes s'est commencée aux accidents : locomotives abandonnées, mais brûlantes, que prennent quelque temps les rails. - Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille. - Hugo, trop cabochard, a bien du Vu dans les derniers volumes : Les Misérables sont un vrai poème. J'ai Les Châtiments sous main ; Stella donne à peu près la mesure de la vue de Hugo. Trop de Belmontet et de Lamennais, de Jehovahs et de colonnes, vieilles énormités crevées.


Musset est quatorze fois exécrable pour nous, générations douloureuses et prises de visions, - que sa paresse d'ange a insultées ! O ! les contes et les proverbes fadasses ! O les Nuits ! O Rolla ! ô Namouna ! ô la Coupe ! tout est français, c'est-à-dire haïssable au suprême degré ; français, pas parisien ! Encore une œuvre de cet odieux génie qui a inspiré Rabelais, Voltaire, Jean La Fontaine, commenté par M. Taine ! Printanier, l'esprit de Musset ! Charmant, son amour ! En voilà, de la peinture à l'émail, de la poésie solide ! On savourera longtemps la poésie française, mais en France. Tout garçon épicier est en mesure de débobiner une apostrophe Rollaque ; tout séminariste en porte les cinq cents rimes dans le secret d'un carnet. A quinze ans, ces élans de passion mettent les jeunes en rut ; à seize ans, ils se contentent déjà de les réciter avec cœur; à dix-huit ans, à dix-sept même, tout collégien qui a le moyen fait le Rolla, écrit un Rolla ! Quelques-uns en meurent peut-être encore. Musset n'a rien su faire. Il y avait des visions derrière la gaze des rideaux : il a fermé les yeux. Français, panadif, traîné de l'estaminet au pupitre du collège, le beau mort est mort, et, désormais, ne nous donnons même plus la peine de le réveiller par nos abominations !


Les seconds romantiques sont très voyants: Théophile Gauthier, Leconte de Lisle, Théodore de Banville. Mais inspecter l'invisible et entendre l'inouï étant autre chose que reprendre l'esprit des choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. Encore a-t-il vécu dans un milieu trop artiste ; et la forme si vantée en lui est mesquine. Les inventions d'inconnu réclament des formes nouvelles.


Rompus aux formes vieilles : parmi les innocents, A. Renaud, - a fait son Rolla, - L. Grandet, - a fait son Rolla ; - les gaulois et les Musset, G. Lafenestre, Coran, C. L. Popelin, Soulary, L. Salles. Les écoliers, Marc, Aicard, Theuriet ; les morts et les imbéciles, Autran, Barbier, L. Pichat, Lemoyne, les Deschamps, les Des Essarts ; les journalistes, L. Cladel, Robert Luzarches, X. de Ricard ; les fantaisistes, C. Mendès ; les bohèmes ; les femmes ; les talents, Léon Dierx et Sully-Prudhomme, Coppée; -la nouvelle école, dite parnassienne, a deux voyants, Albert Mérat et Paul Verlaine, un vrai poète. - Voilà. - Ainsi je travaille à me rendre voyant. –

Et finissons par un chant pieux.


ACCROUPISSEMENTS

Bien tard, quand il se sent l'estomac écoeuré,
etc.............................


Vous seriez exécrable de ne pas répondre : vite car dans huit jours je serai à Paris, peut-être.

Au revoir. A. Rimbaud.

*comprachicos : mot tiré de "L'Homme qui rit" de Victor Hugo (1869). Ce sont des voleurs d'enfants qui mutilent leur victimes et gagnent de l'argent en les exhibant.


[Letter to Paul Demeny, known as "of the Visionary"]


- Les lettres de Rimbaud écrites à Londres sont conservés à la Bibliothèque Royale Albert 1er à Bruxelles. Elles sont extraites du cahier n° 4 : "RIMBAUD les lettres manuscrites, commentaires, transcriptions et cheminements des manuscrits" par Claude Jeancolas.





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LONDON'S DEPARTURE


VERLAINE'S LETTER TO RIMBAUD (JULY, 3RD, 1873)

At sea,

My friend,

I don't know if you will be still in London when this letter arrives to you. Yet I want you to know that you must, basically, understand, finally, that I absolutely had to go, that this violent life with all these scenes without any reason than your whim couldn't the hell suit me anymore!
But, as I loved you immensely (Evil be to him who evil thinks) I want to confirm to you too that, if in three days, I'm not r' with my wife, in perfect conditions, I will blow my face out. 3 days in hotel, a rivolvita, that costs: the reason for my "stinginess" of this afternoon. You should forgive me. - If, as it is too probable, I must do that last damned stupid thing, I at least will do it as a good idiot. - My last thought, my friend, will be for you, you who called me all the worse this afternoon, and that I didn't want to join because I had to pop off, - FINALLY!
Do you want that I kiss you while I'm dying?

Your poor
P. Verlaine.


Anyway, we will not see each other anymore. If my wife comes, you will receive my address, and I hope you will write to me. While waiting, for three days, no more, no less, Brussels poste restante, - with my name. Give back to Barrere his three books.


[cfr. Lettre de Verlaine]





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RIMBAUD'S LETTER TO VERLAINE (JULY 4TH, 1873)

London, Friday afternoon.

Come back, come back, dear friend, only friend, come back. I swear I shall be kind. If I was sullen with you, it was a joke which I persisted to carry on;I repent of it more than can be said. Come back, it will be quite forgotten. What a pity that you should have believed to that joke. For two days I have not stopped crying. Come back. Be brave, dear friend. Nothing is lost. You just have to do the journey again. We will live here again, very bravely, patiently. Oh! I implore you! It's for your good, besides. Come back, you will find all your things there. I hope you realise now that there was nothing real in our argument, that awful moment! But you, when I made a sign to you to get off the boat, why didn't you come. We have lived together for two years to come to that hour! What are you going to do! If you don't want to come back here, would you like me to join you where you are?
Yes, It's me who was wrong.
Oh, you will not forget me, will you?
No you can't forget me.
Me, I always have you there.
Tell me, answer your friend, must we not live together anymore? Be brave. Answer me quickly. I can't stay here much longer. Just listen to your good heart. Quick, tell me if I must come to you.
Yours for the whole life.

Rimbaud


Answer, quickly, I can't stay here later than Monday evening. I do not have a penny yet, I can't post this. I have given Vermersch your books and manuscripts to look after.
If I must not see you again, I am going to enlist in the navy or the army.
O come back, every hours I'm crying again. Tell me to meet you, I will come, tell it to me, send me a telegram. I must leave on Monday evening, where are you going? what do you want to do?

(Rimbaud has not posted his letter that he received Verlaine's one on Saturday morning. He is taking his letter again and going on to write it)

Dear friend, I have your letter which is headed. "At sea". You are wrong, this time, very wrong. First, there is nothing positive in your letter;your wife will not come, or she will come in three months, three years, who knows. As for kicking the bucket, I know you. So you are going, while waiting for your wife and for death, to struggle, to wander about, and to bore people. What, you, didn't you realise yet that our anger was false on both sides! But it is you that would be in the wrong finally, because, even after I called you back, you persisted in your false feelings. Do you think that your life will be more pleasant with other people than it was with me: Think about it! - Oh! surely not! -
It is only with me that you can be free, and, seeing that I swear to be very nice in the future, that I deplore all my part in the wrong, that finally my mind is clear, that I like you very much, if you don't want to come back, or me to join you, you are committing a crime, and you will repent of it for long years by losing all your freedom, and by more terrible troubles perhaps than you have undergone until now. After that, think of what you were before you knew me.
For myself, I'm not going back to my mother's: I am going to Paris, I shall try to be gone by Monday evening. You will have compelled me to sell all your clothes, I can't do anything else. They aren't sold yet: they are not coming to get them from me until Monday evening. If you want to write me in Paris, send letters to L. Forain, 289 rue Saint-Jacques, for A. Rimbaud. He will know my address.
One thing is certain: if your wife comes back, I shall never compromise you by writing to you - I shall never write.
One single true word, is: come back, I want to be with you, I love you, if you listen to this, you will show courage and a sincere spirit.
Otherwise, I pity you.
But I love you, I kiss you and we'll see each other again.

Rimbaud


8 Great Colle, etc...

Until Monday evening - or Tuesday midday, if you send me word.






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RIMBAUD'S LETTER TO VERLAINE (LONDON, JULY 7TH, 1873)

Monday midday.


My dear friend,

I saw the letter you sent to Mrs Smith. Unfortunately, it is too late. You want to come back to London! You don't know how everybody will welcome you! And the faces that Andrieux and others would have if they see me with you again. Nevertheless, I shall be very courageous. Tell me your very sincere idea: do you want to come back to London for me? and which day? Is this my letter who advises you. But nothing remains in the room. - All is sold, except a cardigan. I received two pounds ten. But the linen is still at the laundry and I kept a lot of things for me: five waistcoats, all the shirts, pants, collars, gloves, and all the shoes. All your books and manuss are in a safe place...In fact, only your trousers are sold, black and grey, a cardigan and a waistcoat, the bag and the hatbox. But why don't you write to me.

Yes, dear little one, I shall stay one more week. And you will come, won't you? tell me the truth. You would have given a sign of courage. I hope that is true. Be sure of me, I shall have a very good nature.
Yours. I'm waiting for you.

Rimb.


[cfr. Lettres de Rimbaud]


- Rimbaud's letters written in London are kept in the Royal Library Albert I in Brussels. They are extracted from the book n° 4: RIMBAUD les lettres manuscrites, commentaires, transcriptions et cheminements des manuscrits by Claude Jeancolas.
- Verlaine's letters are extracted from "Verlaine Fêtes galantes et autres poèmes - Ecrits sur Rimbaud".
- Illustration comes from "Passion Rimbaud, Album d'une vie" by Claude Jeancolas.
- Translation by Catherine, with the help of Angie and Dany. All Right Reserved.




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LE DEPART DE LONDRES

LETTRE DE VERLAINE A RIMBAUD (3 JUILLET 1873)

En mer,

Mon ami,

Je ne sais si tu seras encore à Londres quand ceci t'arrivera. Je tiens pourtant à te dire que tu dois, au fond, comprendre, enfin, qu'il me fallait absolument partir, que cette vie violente et toute de scènes sans motif que ta fantaisie ne pouvait m'aller foutre plus !
Seulement, comme je t'aimais immensément (Honni soit qui mal y pense) je tiens aussi à te confirmer que, si d'ici à trois jours, je ne suis pas r' avec ma femme, dans des conditions parfaites, je me brûle la gueule. 3 jours d'hôtel, un rivolvita, ça coûte : de là ma "pingrerie" de tantôt. Tu devrais me pardonner.
- Si, comme c'est trop probâbe, je dois faire cette dernière connerie, je la ferai du moins en brave con. - Ma dernière pensée, mon ami, sera pour toi, pour toi qui m'appelais du pier tantôt, et que je n'ai pas voulu rejoindre parce qu'il fallait que je claquasse, - ENFIN !
Veux-tu que je t'embrasse en crevant ?

Ton pauvre
P. Verlaine.


Nous ne nous reverrons plus en tous cas. Si ma femme vient, tu auras mon adresse, et j'espère que tu m'écriras. En attendant, d'ici à trois jours, pas plus, pas moins, Bruxelles poste restante, - à mon nom.
Redonne ses trois livres à Barrère.


[cfr. Verlaine's letter]




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LETTRE DE RIMBAUD A VERLAINE (4 JUILLET 1873)


Londres, vendredi après-midi.


Reviens, reviens, cher ami, seul ami, reviens. Je te jure que je serai bon. Si j'étais maussade avec toi, c'est une plaisanterie où je me suis entêté, je m'en repens plus qu'on ne peut dire. Reviens, ce sera bien oublié. Quel malheur que tu aies cru à cette plaisanterie. Voilà deux jours que je ne cesse de pleurer. Reviens. Sois courageux, cher ami. Rien n'est perdu. Tu n'as qu'à refaire le voyage. Nous revivrons ici bien courageusement, patiemment. Ah ! je t'en supplie. C'est ton bien, d'ailleurs. Reviens, tu retrouveras toutes tes affaires. J'espère que tu sais bien à présent qu'il n'y avait rien de vrai dans notre discussion, l'affreux moment ! Mais toi, quand je te faisais signe de quitter le bateau, pourquoi ne venais-tu pas. Nous avons vécu deux ans ensemble pour arriver à cette heure là ! Que vas-tu faire ! Si tu ne veux pas revenir ici, veux-tu que j'aille te retrouver où tu es ?
Oui c'est moi qui ai eu tort.
Oh tu ne m'oublieras pas, dis ?
Non tu ne peux pas m'oublier.
Moi je t'ai toujours là.
Dis, réponds à ton ami, est-ce que nous ne devons plus vivre ensemble ? Sois courageux. Réponds-moi vite. Je ne puis rester ici plus longtemps. N'écoute que ton bon coeur. Vite, dis si je dois te rejoindre.
à toi toute la vie.

Rimbaud


Vite, réponds, je ne puis rester ici plus tard que lundi soir. Je n'ai pas encore un penny, je ne puis mettre ça à la poste. J'ai confié à Vermersch tes livres et tes manuscrits.
Si je ne dois plus te revoir, je m'engagerai dans la marine ou l'armée.
O reviens, à toutes les heures je repleure. Dis-moi de te retrouver, j'irai, dis-le-moi, télégraphie-moi - Il faut que je parte lundi soir, où vas-tu, que veux-tu faire ?

(Rimbaud n'a pas encore posté sa lettre qu'il reçoit celle de Verlaine le samedi matin. Il reprend son courrier de la veille et le continue)

Cher ami, j'ai ta lettre datée. "En mer". Tu as tort, cette fois, et très tort. D'abord, rien de positif dans ta lettre ; ta femme ne viendra pas ou viendra dans trois mois, trois ans, que sais-je. Quant à claquer, je te connais. Tu vas donc, en attendant ta femme et ta mort, te démener, errer, ennuyer des gens. Quoi, toi, tu n'as pas encore reconnu que les colères étaient aussi fausses d'un côté que de l'autre ! Mais c'est toi qui aurait les derniers torts, puisque, même après que je t'ai rappelé, tu as persisté dans tes faux sentiments. Crois-tu que ta vie sera plus agréable avec d'autres que moi : Réfléchis-y! - Ah ! certes non ! -
Avec moi seul tu peux être libre, et, puisque je te jure d'être très gentil à l'avenir, que je déplore toute ma part de torts, que j'ai enfin l'esprit net, que je t'aime bien, si tu ne veux pas revenir, ou que je te rejoigne, tu fais un crime, et tu t'en repentiras de longues années par la perte de toute liberté, et des ennuis plus atroces peut-être que tous ceux que tu as éprouvés. Après ça, resonge à ce que tu étais avant de me connaître.
Quant à moi, je ne rentre pas chez ma mère : Je vais à Paris, je tâcherai d'être parti lundi soir. Tu m'auras forcé à vendre tous tes habits, je ne puis faire autrement. Ils ne sont pas encore vendus, ce n'est que lundi matin qu'on me les emporterait. Si tu veux m'adresser des lettres à Paris, envoie à L. Forain 289 rue St-Jacques, pour A. Rimbaud. Il saura mon adresse.
Certes, si ta femme revient, je ne te compromettrai pas en t'écrivant, - je n'écrirai jamais.
Le seul vrai mot, c'est : reviens, je veux être avec toi, je t'aime, si tu écoutes cela, tu montreras du courage et un esprit sincère.
Autrement, je te plains.
Mais je t'aime, je t'embrasse et nous nous reverrons.

Rimbaud


8 Great Colle...etc...

Jusqu'à lundi soir, ou mardi à midi, si tu m'appelles.






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LETTRE DE MADAME RIMBAUD A VERLAINE (6 JUILLET 1873)

Roche, 6 juillet 1873.


Monsieur,

Au moment où je vous écris, j'espère que le calme et la réflexion sont revenus dans votre esprit. Vous tuer, malheureux ! Se tuer, quand on est accablé par le malheur, est une lâcheté ; se tuer quand on a une sainte et tendre mère, qui donnerait sa vie pour vous, qui mourrait de votre mort, et quand on est père d'un petit être qui vous tend les bras aujourd'hui, qui vous sourira demain, et qui un jour aura besoin de votre appui, de vos conseils, - se tuer dans de telles conditions est une infamie : le monde méprise celui qui meurt ainsi, et Dieu lui-même ne peut lui pardonner un si grand crime et le rejette de son sein.
Monsieur, j'ignore quelles sont vos disgrâces avec Arthur ; mais j 'ai toujours prévu que le dénouement de votre liaison ne devait pas être heureux. Pourquoi ? me demanderez-vous. Parce que ce qui n'est pas autorisé, approuvé par de bons et honnêtes parents, ne doit pas être heureux pour les enfants. Vous, jeunes gens, vous riez et vous vous moquez de tout ; mais il n'est pas moins vrai que nous avons l'expérience pour nous ; et chaque fois que vous ne suivrez pas nos conseils, vous serez malheureux. Vous voyez que je ne vous flatte pas : je ne flatte jamais ceux que j'aime.
Vous vous plaignez de votre vie malheureuse, pauvre enfant ! Savez-vous ce que sera demain ? Espérez donc ! Comment comprenez-vous le bonheur ici-bas ? Vous êtes trop raisonnable pour faire consister le bonheur dans la réussite d'un projet, ou dans la satisfaction d'un caprice, d'une fantaisie : non, une personne qui verrait ainsi tous ses souhaits exaucés, tous ses désirs satisfaits, ne serait certainement pas heureuse; car, du moment que le coeur n'aurait plus d'aspirations, il n'y aurait plus d'émotion possible, et ainsi plus de bonheur. Il faut donc que le coeur batte, et qu'il batte à la pensée du bien, - du bien qu'on a fait, ou qu'on se propose de faire.
Et moi aussi, j'ai été bien malheureuse. J'ai bien souffert, bien pleuré, et j'ai su faire tourner toutes mes afflictions à mon profit. Dieu m'a donné un coeur fort, rempli de courage et d'énergie. J'ai lutté contre toutes les adversités ; et puis j'ai réfléchi, j'ai regardé autour de moi, et je me suis convaincue, mais bien convaincue, que chacun de nous a au coeur une plaie plus ou moins profonde. Ma plaie, à moi, me paraissait beaucoup plus profonde que celle des autres ; et c'est tout naturel : je sentais mon mal, et ne sentais pas celui des autres. C'est alors que je me suis dit - et je vois tous les jours que j'ai raison - : le vrai bonheur consiste dans l'accomplissement de tous ses devoirs, si pénibles qu'ils soient !
Faites comme moi, cher Monsieur : soyez fort et courageux contre toutes les afflictions ; chassez de votre coeur toutes les mauvaises pensées. Luttez, luttez sans relâche contre ce qu'on appelle l'injustice du sort ; et vous verrez que le malheur se lassera de vous poursuivre, vous redeviendrez heureux. il faut travailler beaucoup, donner un but à votre vie ; vous aurez sans doute encore bien des jours mauvais ; mais quelle que soit la méchanceté des hommes, ne désespérez jamais de Dieu. Lui seul console et guérit, croyez-moi.
Madame votre mère me ferait grand plaisir en m'écrivant. Je vous serre la main et ne vous dis pas adieu : j 'espère bien vous voir un jour.

V. RIMBAUD.


Verlaine avait écrit à ses amis, sa mère et Madame Rimbaud pour les prévenir de son intention de se suicider si sa femme ne revenait pas.





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LETTRE DE RIMBAUD A VERLAINE (LONDRES, 7 JUILLET 1873)

Lundi midi.


Mon cher ami,

J'ai vu la lettre que tu as envoyée à Mme Smith. C'est malheureusement trop tard. Tu veux revenir à Londres ! Tu ne sais pas comme tout le monde t'y recevrait ! Et la mine que me ferait Andrieux et autres s'ils me revoyaient avec toi. Néanmoins, je serai très courageux. Dis-moi ton idée bien sincère : veux-tu retourner à Londres pour moi ? Et quel jour ? Est-ce ma lettre qui te conseille. Mais il n'y a plus rien dans la chambre. - Tout est vendu, sauf un paletot. J'ai eu deux livres dix. Mais le linge est encore chez la blanchisseuse, et j'ai conservé un tas de choses pour moi : cinq gilets, toutes les chemises, des caleçons, cols, gants, et toutes les chaussures. Tous les livres et manuss sont en sûreté...En somme, il n'y a de vendu que tes pantalons, noir et gris, un paletot et un gilet, le sac et la boîte à chapeau. Mais pourquoi ne m'écris-tu pas à moi.
Oui, cher petit, je vais rester une semaine encore. Et tu viendras, n'est-ce-pas ? dis-moi la vérité. Tu aurais donné une marque de courage. J'espère que c'est vrai. Sois sûr de moi, j'aurais très bon caractère.
à toi. Je t'attends.

Rimb.


[Rimbaud's letters]


Les lettres de Rimbaud écrites à Londres sont conservés à la Bibliothèque Royale Albert 1er à Bruxelles. Elles sont extraites du cahier n° 4 : RIMBAUD les lettres manuscrites, commentaires, transcriptions et cheminements des manuscrits par Claude Jeancolas.
Les lettres de Verlaine sont tirées du livre "Verlaine Fêtes galantes et autres poèmes - Ecrits sur Rimbaud".
L'illustration provient du livre "Passion Rimbaud, Album d'une vie" par Claude Jeancolas. La lettre de Madame Verlaine est tirée du livre "Paul Verlaine Poésies", Pocket 6144.





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BRUSSELS' INCIDENT


VERLAINE'S DECLARATION TO THE SUPERINTENDENT


July, 10th 1873.


I arrived in Brussels for four days, unhappy and despaired. I know Rimbaud since more than a year. I lived with him in London, that I left four days ago to come to live in Brussels, to be nearer my business, pleading in separation with my wife living in Paris, who pretends that I have immoral relations with Rimbaud.
I have written to my wife that if she doesn't come in these three days to meet me I will blow my brain out;and it is with this aim that I bought the revolver this morning in the passage of the Galleries Saint-Hubert, with the holster and a box of caps, for the sum of 23 francs.
Since my arrival in Brussels, I received a letter from Rimbaud who asked to come and join me. I sent him a telegram telling that I was waiting for him;and he arrived two days ago. Today, seeing that I was unhappy, he wanted to leave me. I yielded to one moment of madness and I fired at him. He didn't lodge a complaint at this moment. I went to the St. John Hospital with him and my mother for his wound to be dressed then we came back together. Rimbaud wanted absolutely to leave. My mother has given him twenty francs for his journey;and it is while taking him to the station that he pretended I wanted to kill him.

P. Verlaine



[La Déclaration de Verlaine]




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RIMBAUD'S DECLARATION TO THE SUPERINTENDENT

10 July 1873 (around 8pm).


For over a year I lived with Mr Verlaine in London. We worked as correspondents for newspapers and gave lessons of French. His company was becoming impossible, and I wanted to return to Paris. Four days ago, he left me to go to Brussels and sent me telegram inviting me to join him. Since 2 days I arrived, and stayed with him and his mother at No.1 Rue Des Brasseurs. I always told him that I wanted to go back to Paris. He answered: "Yes leave, you will see what comes of it!".

That morning he bought a pistol in a passage of the Galleries Saint-Hubert, which he showed me on his return, around noon. We went to the Maison Des Brasseurs, at Grand Place, where we continued to chat about my departure. Back to our house at around 2 o'clock, he locked the door with a key, sat himself down in front of it, then armed his pistol and fired it twice. He said "I will teach you to leave!".

The shots were fired three meters away. The first hurt my left wrist, the second didn't hit me. His mother was there and she gave me first aid. Then I went to the St. John Hospital where they dressed my wound. I was accompanied by Verlaine and his mother. When the dressing was put on, we all returned to the house. Verlaine went on to say to me not to leave him and to stay with him;but I didn't accept and I left around 7 o'clock in the evening with Verlaine and his mother. When we arrived near Place Rouppe, Verlaine went ahead of me, then came back to my side. I saw him put his hand in his pocket to grab his pistol. I made a U-turn and retraced my steps. I met a policeman who I told what happened to me, and who asked Verlaine to follow him to the police station. If Verlaine had let me leave peacefully, I would not have lodged a complaint against him about the injury he made to me.


[La Déclaration de Rimbaud]



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DEPOSITION BY RIMBAUD BEFORE THE EXAMINING MAGISTRATE

12 July 1873


About two years ago I became acquainted with Verlaine in Paris. Last year, after some disagreements with bis wife and with her family, he suggested that I should go abroad with him;we were going to have to make a living somehow or other, because I have no money of my own, and Verlaine only has what he can get from his work and some money which his mother gives him. We came to Brussels together in the month of July last year;we stayed here for about two months;and seeing that there was nothing we could do in this town, we went to London. We lived there together until lately, sharing the same lodgings and using everything in common.

Following an argument which we had at the beginning of last week, arising from reproaches which I made to him about his indolence and his behaviour towards certain persons we knew, Verlaine left me practically without warning, without even telling me where he was going. However I supposed he was going to Brussels, or would pass through it, because he had taken the Antwerp boat. Then I received a letter from him headed "At sea", which I shall hand to you, in which he told me that he was going to ask his wife to come to him where he was, and that if she had not answered his call within three days, he was going to kill himself; he also told me to write to him poste restante at Brussels. I immediately wrote him two Ietters in which I asked hlm to come back to London or to consent to my rejoining him in Brussels. It was then that he sent me a telegram (telling me) to come here, to Brussels. I wanted us to be reunited again, because there was no reason why we should separate.

I left London, therefor e; I arrived in Brussels on Tuesday morning, and went to meet Verlaine. His mother was with him. He had no fixed plan: he did not wish to stay in Brussels, because he feared that there would be nothing for him to do in this city;for my part, I did not wish to consent to return to London as he suggested, because our departure had caused too much bad feeling on the part of our friends, and I was determined to go back to Paris. Sometimes Verlaine gave me to understand that it was his intention to come with me, in justice, as he put it, to his wife and his wife's family;at other time he refused to come with me, because Paris brought back memories to him which were too painful. He was in a very excitable frame of mind. Neverthe1ess he vas very insistent that I should stay with him: he alternated between despair and rage. There was no coherence in his ideas. On Wednesday evening he had more than enough to drink and became drunk. On Thursday morning he went out at six o'clock and did onot come back until nearly noon;he was again in a state of intoxication, he showed me a pistol which he had bought, and when I asked him what he intended to do with it, he replied in a joking manner: "It's for you, for me, for everyone!" He was extremely overexcited.

While we were together in our bedroom, he went down several more times to drink liqueurs ; he still wished to prevent me from carrying into execution my plan of going back to Paris. I remained resolute. I even asked his mother for some money for the journey. Then, at a given moment, he locked the door of the room which gave on to the staircase and sat on a chair against this door. I was standing, leaning my back on the wall facing it. He then said to me: "This is for you, then, since you're going!" or words to this effect;he aimed his pistol at me and fired a shot at me which hit me in the left wrist;the first shot was almost immediately followed by a second, but this time the weapon was no longer pointing at me, but down at the floor.

Verlaine at once expressed the deepest regret for what he had done;he rushed into tbe adjoining room, which was occupied by his mother, and threw himself on the bed. He vas like a madman: he put his pistol into my bands and pledged me to fire it at his temple. His attitude was of profound sorrow at what had happened to him.

About five o'clock in the afternoon, his mother and he brought me here to be treated. When we got back to the hotel, Verlaine and his mother made the suggestion that I should stay with tbem and be looked after, or go back to hospital until I was completely healed. The wound did not seem very serious to me, I told them I intended to return to France that very evening;to my mother's in Charleville. This news threw Verlaine into despair again. His mother gave me twenty francs for the journey, and they came out with me to accompany me to the Midi terminus.

Verlaine behaved as if he were mad. He did everything he could to stop me from going;besides which, he kept his hand all the time in the pocket of his jacket where his pistol was. When we arrived at the Place Rouppe, he went a few paces ahead of us, and then he came back towards me. His manner caused me to fear that he might give himself over to new excesses. I turned and ran away. It was then that I asked a police officer to arrest him.

The bullet in my hand has not yet been removed: the doctor here tells me that it will not be possible for two or three days.

Question.: What did you live on in London?

Answer.: Mainly on the money which Madame Verlaine used to send to her son. We also had French lessons which we gave together, but these lessons did not earn us very much, about a dozen francs a week, towards the end.

Q.: Do you know the reason for the disagreements between Verlaine and his wife?

A.: Verlaine did not wish his wife to continue to live at her father's house.

Q.: Does she not also name as a cause for complaint your intimacy with Verlaine?

A.: Yes, she even accuses us of immoral relations;but I do not wish to trouble to give the lie to such calumnies.

Read, confirmed, and signed:

A. Rimbaud, Th. T'Serstevens, C. Ligour.


Déposition de Rimbaud



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ACT OF RENUNCIATION

I the undersigned, Arthur Rimbaud, 19 yeard old, man of letters, usually living in Charleville, (Ardennes-France), declare, to pay homage to the truth, that on Thursday the 10th instant, about 2 o'clock, when M. Paul Verlaine, in his mother's bedroom, fired a shot of revolver at me which slightly wounded me in the left wrist, M. Verlaine was so drunken that he was not aware of his act

That I am deeply convinced that in buying that weapon, M. Verlaine had no hostile intention towards me, and that there was no any criminal premeditation, in the act of locking the door behind us

That the reason of M. Verlaine's drunkenness was simply due to the thought of his disagreements with Mrs Verlaine, his wife

I further declare that I gladly offer him and consent to my renunciation pure and simple to any action criminal, correctionnal and civil and I henceforth give up all rights to any benefit from any prosecution which may or wight be instituted by the Public Ministry against M. Verlaine for the actions herein specified

A. Rimbaud
Saturday, July 19th, 1873


[cfr. Acte de Renonciation]


Rimbaud's declaration and renonciation are extracted from the book n° 4: Rimbaud les lettres manuscrites, commentaires, transcriptions et cheminements des manuscrits by Claude Jeancolas.
- Verlaine's declaration comes from the book "Verlaine Fêtes galantes et autres poèmes - Ecrits sur Rimbaud".
Deposition by Rimbaud before the Examining Magistrate comes from the book "Arthur Rimbaud, Collected Poems", translation by Oliver Bernard, Penguin classics. - Translation by Catherine, with the help of Oliver's Bernard book: Rimbaud's collected poems.



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L'INCIDENT DE BRUXELLES

DECLARATION DE VERLAINE AU COMMISSAIRE DE POLICE.

10 juillet 1873.


Je suis arrivé à Bruxelles depuis quatre jours, malheureux et désespéré. Je connais Rimbaud depuis plus d'une année. J'ai vécu avec lui à Londres, que j'ai quitté depuis quatre jours pour venir habiter Bruxelles, afin d'être plus près de mes affaires, plaidant en séparation avec ma femme habitant Paris, laquelle prétend que j'ai des relations immorales avec Rimbaud.
J'ai écrit à ma femme que si elle ne venait pas me rejoindre dans les trois jours je me brûlerais la cervelle ; et c'est dans ce but que j'ai acheté le revolver ce matin au passage des Galeries Saint-Hubert, avec la gaine et une boîte de capsules, pour la somme de 23 francs.
Depuis mon arrivée à Bruxelles, j'ai reçu une lettre de Rimbaud qui me demandait de venir me rejoindre. Je lui ai envoyé un télégramme disant que je l'attendais ; et il est arrivé il y a deux jours. Aujourd'hui, me voyant malheureux, il a voulu me quitter. J'ai cédé à un moment de folie et j'ai tiré sur lui. Il n'a pas porté plainte à ce moment. Je me suis rendu avec lui et ma mère à l'hôpital Saint-Jean pour le faire panser et nous sommes revenus ensemble. Rimbaud voulait partir à toute force. Ma mère lui a donné vingt francs pour son voyage ; et c'est en le conduisant à la gare qu'il a prétendu que je voulais le tuer.

P. Verlaine

Verlaine's Declaration



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DECLARATION DE RIMBAUD AU COMMISSAIRE DE POLICE

10 juillet 1873 (vers 8 heures du soir).

Depuis un an, j'habite Londres avec le sieur Verlaine. Nous faisions des correspondances pour les journaux et donnions des leçons de français. Sa société était devenue impossible, et j'avais manifesté le désir de retourner à Paris. Il y a quatre jours, il m'a quitté pour venir à Bruxelles et m'a envoyé un télégramme pour venir le rejoindre. Je suis arrivé depuis deux jours, et suis allé me loger avec lui et sa mère, rue des Brasseurs, n° 1. Je manifestais toujours le désir de retourner à Paris. Il me répondait : "Oui, pars, et tu verras !"


Ce matin, il est allé acheter un revolver au passage des Galeries Saint-Hubert, qu'il m'a montré à son retour, vers midi. Nous sommes allés ensuite à la Maison des Brasseurs, Grand'Place, où nous avons continué à causer de mon départ. Rentrés au logement vers deux heures, il a fermé la porte à clef, s'est assis devant ; puis, armant son revolver, il en a tiré deux coups en disant : "Tiens ! Je t'apprendrai à vouloir partir !"


Ces coups de feu ont été tirés à trois mètres de distance ; le premier m'a blessé au poignet gauche, le second ne m'a pas atteint. Sa mère était présente et m'a porté les premiers soins. Je me suis rendu ensuite à l'Hôpital Saint-Jean, où l'on m'a pansé. J'étais accompagné par Verlaine et sa mère. Le pansement fini, nous sommes revenus tous trois à la maison. Verlaine me disait toujours de ne pas le quitter et de rester avec lui ; mais je n'ai pas voulu consentir et suis parti vers sept heures du soir, accompagné de Verlaine et de sa mère. Arrivé aux environs de la Place Rouppe, Verlaine m'a devancé de quelques pas, puis il est revenu vers moi : je l'ai vu mettre sa main en poche pour saisir son revolver ; j'ai fait demi-tour et suis revenu sur mes pas. J'ai rencontré l'agent de police à qui j'ai fait part de ce qui m'était arrivé et qui a invité Verlaine à le suivre au bureau de police. Si ce dernier m'avait laissé partir librement, je n'aurais pas porté plainte à sa charge pour la blessure qu'il m'a faite.


Rimbaud's Declaration



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DECLARATION DE MADAME VERLAINE AU COMMISSAIRE DE POLICE

Depuis deux ans environ, le sieur Rimbaud vit aux dépens de mon fils lequel a à se plaindre de son caractère acariâtre et méchant : il l'a connu à Paris, puis à Londres. Mon fils est venu à Bruxelles il y a quatre jours. À peine arrivé, il a reçu une lettre de Rimbaud, afin de pouvoir venir l'y rejoindre. Il y a répondu affirmativement par dépêche télégraphique, et Rimbaud est venu loger avec nous depuis deux jours. Ce matin, mon fils, qui a l'intention de voyager, a fait l'achat d'un revolver. Après la promenade, ils sont rentrés à la maison vers deux heures. Une discussion s'est élevée entre eux. Mon fils a saisi son revolver et en a tiré deux coups sur son ami Rimbaud : le premier l'a blessé au bras gauche, le second n'a pas été tiré sur lui. Néanmoins nous n'avons pas trouvé les balles. Après avoir été pansé à l'Hôpital Saint-Jean, Rimbaud témoignant le désir de retourner à Paris, je lui ai donné vingt francs, parce qu'il n'avait pas d'argent. Puis, nous sommes allés pour le reconduire à la gare du Midi, lorsqu'il s'est adressé à l'agent de police pour faire arrêter mon fils, qui n'avait pas de rancune contre lui et avait agi dans un moment d'égarement.




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INTERROGATOIRE DE VERLAINE PAR LE JUGE D'INSTRUCTION

Demande : N'avez-vous jamais été condamné ?


Réponse : Non.
Je ne sais pas au juste ce qui s'est passé dans la journée d'hier. J'avais écrit à ma femme qui habite Paris de venir me rejoindre, elle ne m'a pas répondu ; d'autre part, un ami auquel je tiens beaucoup était venu me rejoindre à Bruxelles depuis deux jours et voulait me quitter pour retourner en France ; tout cela m'a jeté dans le désespoir, j'ai acheté un revolver dans l'intention de me tuer. En rentrant à mon logement, j'ai eu une discussion avec cet ami : malgré mes instances, il voulait me quitter ; dans mon délire, je lui ai tiré un coup de pistolet qui l'a atteint à la main. J'ai alors laissé tomber le revolver, et le second coup est parti accidentellement. J'ai eu immédiatement le plus vif remords de ce que j'avais fait ; ma mère et moi nous avons conduit Rimbaud à l'Hôpital pour le faire panser ; la blessure était sans importance. Malgré mon insistance, il a persisté dans sa résolution de retourner en France. Hier soir, nous l'avons conduit à la gare du Midi. Chemin faisant, je renouvelle mes instances ; je me suis même placé devant lui, comme pour l'empêcher de continuer sa route, et je l'ai menacé de me brûler la cervelle ; il a compris peut-être que je le menaçais lui-même, mais ce n'était pas mon intention.

D.: Quel est le motif de votre présence à Bruxelles ?

R.: J'espérais que ma femme serait venue m'y rejoindre, comme elle était déjà venue précédemment depuis notre séparation.

D. : Je ne comprends pas que le départ d'un ami ait pu vous jeter dans le désespoir. N'existe-t-il pas entre vous et Rimbaud d'autres relations que celles de l'amitié ?

R. : Non ; c'est une calomnie qui a été inventée par ma femme et sa famille pour me nuire ; on m'accuse de cela dans la requête présentée au tribunal par ma femme à l'appui de sa demande de séparation.

Lecture faite, persiste et signe :

P. Verlaine, Th. T'Serstevens, C. Ligour.




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DEPOSITION DE RIMBAUD DEVANT LE JUGE D'INSTRUCTION

12 juillet 1873.

J'ai fait, il y a deux ans environ, la connaissance de Verlaine à Paris. L'année dernière, à la suite de dissentiments avec sa femme et la famille de celle-ci, il me proposa d'aller avec lui à l'étranger ; nous devions gagner notre vie d'une manière ou d'une autre, car moi je n'ai aucune fortune personnelle, et Verlaine n'a que le produit de son travail et quelque argent que lui donne sa mère. Nous sommes venus ensemble à Bruxelles au mois de juillet de l'année dernière ; nous y avons séjourné pendant deux mois environ ; voyant qu'il n'y avait rien à faire pour nous dans cette ville, nous sommes allés à Londres. Nous y avons vécu ensemble jusque dans ces derniers temps, occupant le même logement et mettant tout en commun.

A la suite d'une discussion que nous avons eue au commencement de la semaine dernière, discussion née des reproches que je lui faisais sur son indolence et sa manière d'agir à l'égard des personnes de nos connaissances, Verlaine me quitta presque à l'improviste, sans même me faire connaltre le lieu où il se rendait. Je supposai cependant qu'il se rendait à Bruxelles, ou qu'il y passerait, car il avait pris le bateau d'Anvers. Je reçus ensuite de lui une lettre datée "En mer", que je vous remettrai, dans laquelle il m'annonçait qu'il allait rappeler sa femme auprès de lui, et que si elle ne répondait pas à son appel dans trois jours, il se tuerait ; il me disait aussi de lui écrire poste restante à Bruxelles. Je lui écrivis ensuite deux lettres dans lesquelles je lui demandais de revenir à Londres ou de consentir à ce que j'allasse le rejoindre à Bruxelles. C'est alors qu'il m'envoya un télégramme pour venir ici, à Bruxelles. Je désirais nous réunir de nouveau, parce que nous n'avions aucun motif de nous séparer.

Je quittai donc Londres ; j'arrivai à Bruxelles mardi matin, et je rejoignis Verlaine. Sa mère était avec lui. Il n'avait aucun projet déterminé : il ne voulait pas rester à Bruxelles, parce qu'il craignait qu'il n'y eût rien à faire dans celle ville ; moi, de mon côté, je ne voulais pas consentir à retourner à Londres, comme il me le proposait, parce que notre départ devait avoir produit un trop fâcheux effet dans l'esprit de nos amis, et je résolus de retourner à Paris. Tantôt Verlaine manifestait l'intention de m'y accompagner, pour aller, comme il le disait, faire justice de sa femme et de ses beaux-parents ; tantôt il refusait de m'accompagner, parce que Paris lui rappelait de trop tristes souvenirs. Il était dans un état d'exaltation très grande. Cependant il insistait beaucoup auprès de moi pour que je restasse avec lui tantôt il était désespéré, tantôt il entrait en fureur. Il n'y avait aucune suite dans ses idées. Mercredi soir, il but outre mesure et s'enivra. Jeudi matin, il sortit à six heures ; il ne rentra que vers midi ; il était de nouveau en état d'ivresse, il me montra un pistolet qu'il avait acheté, et quand je lui demandai ce qu'il comptait en faire, il répondit en plaisantant : " C'est pour vous, pour moi, pour tout le monde !" Il était fort surexcité.

Pendant que nous étions ensemble dans notre chambre, il descendit encore plusieurs fois pour boire des liqueurs ; il voulait toujours m'empêcher d'exécuter mon projet de retourner à Paris. Je restai inébranlable. Je demandai même de l'argent à sa mère pour faire le voyage. Alors, à un moment donné, il ferma à clef la porte de la chambre donnant sur le palier et il s'assit sur une chaise contre cette porte. J'étais debout, adossé contre le mur d'en face. Il me dit alors : "Voilà pour toi, puisque tu pars !" ou quelque chose dans ce sens ; il dirigea son pistolet sur moi et m'en lâcha un coup qui m'atteignit au poignet gauche ; le premier coup fut presque instantanément suivi d'un second, mais cette fois l'arme n'était plus dirigée vers moi, mais abaissée vers le plancher.

Verlaine exprima immédiatement le plus vif désespoir de ce qu'il avait fait ; il se précipita dans la chambre contiguë occupée par sa mère, et se jeta sur le lit. Il était comme fou : il me mit son pistolet entre les mains et m'engagea à le lui décharger sur la tempe. Son attitude était celle d'un profond regret de ce qui lui était arrivé.

Vers cinq heures du soir, sa mère et lui me conduisirent ici pour me faire panser. Revenus à l'hôtel, Verlaine et sa mère me proposèrent de rester avec eux pour me soigner, ou de retourner à l'hôpital jusqu'à guérison complète. La blessure me paraissant peu grave, je manifestai l'intention de me rendre le soir même en France, à Charleville, auprès de ma mère. Cette nouvelle jeta Verlaine de nouveau dans le désespoir. Sa mère me remit vingt francs pour faire le voyage, et ils sortirent avec moi pour m' accompagner à la gare du Midi. Verlaine était comme fou, il mit tout en oeuvre pour me retenir ; d'autre part, il avait constamment la main dans la poche de son habit où était son pistolet. Arrivés à la place Rouppe, il nous devança de quelques pas et puis il revint sur moi ; son attitude me faisait craindre qu'il ne se livrât à de nouveaux excès ; je me retournai et je pris la fuite en courant. C'est alors que j'ai prié un agent de police de l'arrêter.

La balle dont j'ai été atteint à la main n'est pas encore extraite, le docteur d'ici m'a dit qu'elle ne pourrait l'être que dans deux ou trois jours.

Demande : De quoi viviez-vous à Londres ?

Réponse : Principalement de l'argent que Mad[ame] Verlaine envoyait à son fils. Nous avions aussi des leçons de français que nous donnions ensemble, mais ces leçons ne nous rapportaient pas grand'chose, une douzaine de francs par semaine, vers la fin.

D.: Connaissez-vous le motif des dissentiments de Verlaine et de sa femme ?

R.: Verlaine ne voulait pas que sa femme continuât d'habiter chez son père.

D.: N'invoque-t-elle pas aussi comme grief votre intimité avec Verlaine ?

R.: Oui, elle nous accuse même de relations immorales ; mais je ne veux pas me donner la peine de démentir de pareille calomnie.

Lecture faite, persiste et signe :

A. Rimbaud, Th. T'Serstevens, C. Ligour.

Rimbaud's Deposition



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NOUVEL INTERROGATOIRE DE VERLAINE

18 juillet 1873.

Je ne peux pas vous en dire davantage que dans mon premier interrogatoire sur le mobile de l'attentat que j'ai commis sur Rimbaud. J'étais en ce moment en état d'ivresse complète, je n'avais plus ma raison à moi. Il est vrai que sur les conseils de mon ami Mourot, j'avais un instant renoncé à mon projet de suicide ; j'avais résolu de m'engager comme volontaire dans l'armée espagnole ; mais, une démarche que je fis à cet effet à l'ambassade espagnole n'ayant pas abouti, mes idées de suicide me reprirent. C'est dans cette disposition d'esprit que dans la matinée du jeudi j'ai acheté mon revolver. J'ai chargé mon arme dans un estaminet de la rue des Chartreux ; j'étais allé dans cette rue pour rendre visite à un ami.

Je ne me souviens pas d'avoir eu avec Rimbaud une discussion irritante qui pourrait expliquer l'acte qu'on me reproche. Ma mère que j'ai vue depuis mon arrestation m'a dit que j'avais songé à me rendre à Paris pour faire auprès de ma femme une dernière tentative de réconciliation, et que je désirais que Rimbaud ne m'accompagnât pas ; mais je n'ai personnellement aucun souvenir de cela. Du reste, pendant les jours qui ont précédé l'attentat, mes idées n'avaient pas de suite et manquaient complètement de logique.

Si j'ai rappelé Rimbaud par télégramme, ce n'était pas pour vivre de nouveau avec lui ; au moment d'envoyer ce télégramme, j'avais l'intention de m'engager dans l'armée espagnole ; c'était plutôt pour lui faire mes adieux.

Je me souviens que dans la soirée du jeudi, je me suis efforcé de retenir Rimbaud à Bruxelles ; mais, en le faisant, j'obéissais à des sentiments de regrets et au désir de lui témoigner par mon attitude à son égard qu'il n'y avait eu rien de volontaire dans l'acte que j'avais commis. Je tenais en outre à ce qu'il fût complètement guéri de sa blessure avant de retourner en France.

Lecture faite, persiste et signe :

P. Verlaine, Th. T'Serstevens, C. Ligour.



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NOUVELLE DEPOSITION DE RIMBAUD

18 juillet 1873.


Je persiste dans les déclarations que je vous ai faites précédemment, c'est-à-dire qu'avant de me tirer un coup de revolver, Verlaine avait fait toutes sortes d'instances auprès de moi pour me retenir avec lui. Il est vrai qu'à un certain moment il a manifesté l'intention de se rendre à Paris pour faire une tentative de réconciliation auprès de sa femme, et qu'il voulait m'empêcher de l'y accompagner ; mais il changeait d'idée à chaque instant, il ne s'arrêtait à aucun projet. Aussi, je ne puis trouver aucun mobile sérieux à l'attentat qu'il a commis sur moi. Du reste, sa raison était complètement égarée : il était en état d'ivresse, il avait bu dans la matinée, comme il a du reste l'habitude de le faire quand il est livré à lui-même.

On m'a extrait hier de la main la balle de revolver qui m'a blessé : le médecin m'a dit que dans trois ou quatre jours ma blessure serait guérie.

Je compte retourner en France, chez ma mère, qui habite Charleville.

Lecture faite, persiste et signe :

A. Rimbaud, Th. T'Serstevens, C. Ligour.




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ACTE DE RENONCIATION

Je soussigné Arthur Rimbaud, 19 ans, homme de lettres, demeurant ordinairement à Charleville, (Ardennes-France), déclare, pour rendre hommage à la vérité, que le Jeudi 10 courant vers 2 heures, au moment où Mr Paul Verlaine, dans la chambre de sa mère, a tiré sur moi un coup de revolver qui m'a blessé légèrement au poignet gauche, Mr Verlaine était dans un tel état d'ivresse qu'il n'avait point conscience de son action

Que je suis intimement persuadé qu'en achetant cette arme, Mr Verlaine n'avait aucune intention hostile contre moi, et qu'il n'y avait point de préméditation criminelle dans l'acte de fermer la porte à clef sur nous

Que la cause de l'ivresse de Mr Verlaine tenait simplement à l'idée de ses contrariétés avec Mme Verlaine, sa femme Je déclare en outre lui offrir volontiers et consentir à ma renonciation pure et simple à toute action criminelle correctionnelle et civile, et me désiste dès aujourd'hui des bénéfices de toute poursuite qui serait ou pourrait être intentée par le ministère public contre Mr Verlaine pour le fait dont il s'agit

A. Rimbaud

Samedi 19 juillet 1873


Act of renunciation



La déclaration et la renonciation de Rimbaud sont extraites du cahier n° 4 : RIMBAUD les lettres manuscrites, commentaires, transcriptions et cheminements des manuscrits par Claude Jeancolas.
La déclaration de Verlaine provient du livre "Verlaine Fêtes galantes et autres poèmes - Ecrits sur Rimbaud".
Les autres textes proviennent du livre "Rimbaud Oeuvres Complètes", classiques Modernes, Le Livre de Poche.



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LETTER FROM RIMBAUD TO HIS MOTHER

LETTER TO HIS MOTHER, 30 APRIL 1891

Aden 30 April 1891

My dear mummy

I got your letter and the two sockings all right, and I received them in sad circumstances. Seeing that the swelling in my right knee and the pain in the joint still continued to get worse, finding neither treatment nor advice because at Harer we are in the midst of Negroes and there are no Europeans here, I decided to come back. I had to leave the business, which was not very easy, for I had money out all over the place, but finally I succeeded to liquidate almost it all. For about twenty days, I had been lying in Harer, and not being able to make a movement, suffering frightful pains, and never sleeping. I hired sixteen Negro porters, for 15 thalaris each, from Harer to Zeilah, I had a stretcher made, covered with canvas, and in it I have just made, in 12 days, the 300 kilometres journey across the desert which separates the Harer hills from the port of Zeilah. No point in telling you what horrible suffering I went through on the way, I was never able to take a step from my stretcher, my knee swelled visibly, and the pain increased all the time.

When I got here I went to the European Hospital. There is just one room for paying patients, I am in it. The English doctor as soon as I showed him my knee cried out that it was a synovitis which had arrived at a very dangerous stage owing to lack of attention and fatigue. Straightaway he talked of cutting the leg off. Then, he decided to wait a few days to see if the swelling could be diminished with medical treatment. That was six days ago, and there has been no improvement, except that, because I am resting, the pain is decreased a lot. You know that synovitis is a disease of the liquid of the knee joint, it can be due to heredity, or accidents, or a lot of other causes. With me it was certainly caused by the fatigue of riding and walking in Harer. At last in the situation I am in at the moment, there's no hope of my being better for at least three months, under the most favorable circumstances. And I am stretched out, with my leg bandaged, wound round and round and bound, so that I cannot move it. I have become a skeleton, I frighten people. My back is completely flayed from the bed, I don't sleep a minute. And the heat has become extreme here. The hospital food, which I pay quite a lot, is very bad. I do not know what to do. On the other hand I haven't yet closed my accounts with my associate, Mr Tian. It can't be done in less than another week. I shall get out of this business with about 35 thousand francs. I should have had more, but I am losing several thousand francs owing to my unlucky departure. I should like to get myself taken to a steamer, and come and get myself looked after in France, the journey would help to pass the time, at least. And in France both medical attention and medicines are cheap, and the air is healthy. So it is highly probable that I shall come. Unluckily the steamboats going to France now are always packed, because everyone is coming back from the colonies at this time of year. And I am a poor sick man and need carrying very gently, anyway, l shall make up my mind within a week.

Do not be too upset about all this, however. Better days will come. But it's a poor reward for so much work, so many privations and troubles! Alas! How miserable our life is.
I greet you all fondly
Rimbaud


PS. As for the stockings, they are useless, I shall sell them again somewhere.


[Lettre à sa mère]



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ARTHUR'S LAST DAYS

ISABELLE RIMBAUD'S LETTER TO HER MOTHER

Marseilles, Wednesday October 28, 1891.


My dear mummy,

God is thousand times blessed! On Sunday I experienced the greatest happiness I can have in this world. This is not any more a poor unfortunate reprobate who will die near me: this is a Just, a Saint, a Martyr, a Chosen!

During the last week, the chaplains had come to see him twice: he had received them, but with so much lassitude and discouragement that they didn't dare to speak to him about death. Saturday evening, all the nuns made prayers together for him to have a good death. Sunday morning, after the high mass, he seemed to be calmer and fully conscious: one of the chaplains returned and proposed to him to be confessed;and he accepted!

When the priest left, he said to me, looking at me with a disturbed air, a strange air: "Your brother has the faith, my child. What do you thus say to us? He has the faith, and I even never saw faith of this quality!" Me, I kissed the ground while crying and while laughing. O God! what a joy! what a joy, even in death, even by death! What can make me Death, Life, and all the universe and all the happiness of the world, now that his soul is saved! Lord, soften his agony, help him to carry his cross, still have pity of him, still have pity, you who are so good! oh yes, so good - Thank you my God, thank you!

When I returned near Arthur, he was very moved, but did not cry;he was serenely sad, as I never saw him before. He looked me in the eyes as he had never looked me. He wanted that I approach very close, he said to me: "You are of the same flesh and blood than me: do you believe, tell me, do you believe?" I answered: "I believe;others more erudite than me believed, are believing;and then I am sure now, I have proof, that is!" And it is true, I have proof today!

He still said to me with bitterness: "Yes, they say that they believe, they pretend to be converted, but it is just for us to read what they wrote, it is a speculation!" I hesitated, then I said: " Oh! no, they would earn more money while blaspheming!" He was always looking at me with the sky in his eyes;me too. He insisted to kiss me, then: "We can have the same soul, since we have the same blood. You believe then?" And I repeated: "Yes, I believe, you have to believe." Then he said to me: "All must be prepared in the room, tidied up: he will come back with the sacraments. You will see, the candles and the laces will be brought: white linens must be put everywhere. I am so sick thus!..." He was anxious, but not desperate like the other days, and I very well saw that he wishes ardently the sacraments, and above all the communion.

Since then, he does not blaspheme anymore;he calls Christ in cross, and he prays. Yes, he prays, him!
But the chaplain could not give him the communion. First, he fears to impress him too much. Then, Arthur is spitting a lot actually and cannot stand anything in his mouth, so we were afraid of an involuntary profanation. And him, believing that he was forgotten, became sad;but he did not complain.

Death comes with great steps. I told you in my last letter, my dear mummy, that his stump was extremely swollen. Now it is an enormous cancer between the hip and the belly, just in top of the bone. This stump, which was so sensitive, so painful, practically does not make him suffer anymore. Arthur did not see this fatal tumour: he is surprised that everyone comes to see this poor stump that he practically does not feel anymore;and all the doctors (ten are already come since I signalled this terrible ache) remain speechless and terrified in front of this strange cancer.

Now, it is his poor head and his left arm which make him suffer the most. But he is generally deep into a state of lethargy which is an apparent sleep, during which he senses all the noises with a singular clearness.

For the night, he has a morphine injection.

Awaken, he ends his life in a kind of continuous dream: he says odd things very softly, with a voice that would enchant me if it did not cut me to the heart. What he says, these are dreams, - however it is not the same thing at all that when he had fever. You would almost think, and I believe it, he does it on purpose.

As he murmured those things, the nun said to me in a whisper: "He still lost consciousness?" But he heard and blushed deeply;he did not say anything any more, but, when the nun left, he said to me: "They think I am insane, and you, do you believe it?" No, I do not believe it, he is almost an immaterial being and his thought escapes in spite of him. Sometimes he asks the doctors if they see the extraordinary things he sees and he speaks to them and tells them with softness his impressions, in terms that I could not render ; the doctors look him in the eyes, these beautiful eyes which never have been so beautiful and more intelligent, and they say between them: " It is singular." There is in Arthur's case something that they do not understand.

Moreover, the doctors practically do not come any more, because he often cries when speaking to them and that distresses them.
He recognizes everyone. Me, he sometimes calls me Djami, but I know that is because he wants it, and that is part of his dream wanted thus;besides, he mixes all and ... with art. We are in Harer, we always leave for Aden, and we have to find camels, to organise the caravan;he walks very easily with the new articulated leg, we ride beautiful richly harnessed mules for some walks;then we have to work, to do the book-keeping, to write letters. Quick, quick, we are awaited, let us pack our bags and leave. Why did we let him sleep? Why I didn't help him get dressed? What will it be said if we do not arrive at the day agreed upon? Nobody will believe him on word anymore, nobody will trust him anymore! And he starts to cry regretting my awkwardness and my negligence: for I am always with him and it is me who is in charged of all the preparations.

He practically does not eat anymore, and what he eats, it is with an extreme loathing. Therefore has he the thinness of a skeleton and the colour of a corpse! And all his poor limbs paralysed, mutilated, dead around him! O God, what a pity!

About your letter and Arthur: do not count at all on his money. After him, and the funeral expenses paid, travels, and so on, his resources will come to others;I am absolutely decided to respect his wills, and nevertheless there would be only me to carry them out, his money and his belongings will go to who he wishes. What I did for him, it was not by cupidity, it is because he is my brother, and abandoned by the whole universe, I did not want to let him die alone and without help. I will be faithful to him after his death like before, and what he will say to make of his money and his clothes to me, I will do it exactly, even if I must suffer from it.

May God assists me and you also: we really need the divine help.
Goodbye, my dear mummy, I kiss you with all my heart,

ISABELLE.


[cfr. Lettre d'Isabelle à sa mère]


- Isabelle Rimbaud's letter comes from "Arthur Rimbaud, Oeuvres. Des Ardennes au Désert".




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Lettres de Rimbaud à sa mère

LETTRE A SA MERE DU 30 AVRIL 1891

Aden le 30 avril 1891

Ma chère maman

J'ai bien reçu vos deux bas et votre lettre, et je les ai reçus dans de tristes circonstances. Voyant toujours augmenter l'enflure de mon genou droit et la douleur dans l'articulation, sans trouver aucun remède ni aucun avis puisqu'au Harar nous sommes au milieu des nègres et qu'il n'y a point là d'Européens, je me décidai à descendre. Il fallait abandonner les affaires, ce qui n'était pas très facile, car j'avais de l'argent dispersé de tous les côtés, mais enfin je réussis à liquider à peu près totalement. Depuis déjà une vingtaine de jours, j'étais couché au Harar, et dans l'impossibilité de faire un seul mouvement, souffrant des douleurs atroces, et ne dormant jamais. Je louai seize nègres porteurs, à raison de 15 thalaris l'un, du Harar à Zeïlah, je fis fabriquer une civière recouverte d'une toile, et c'est là dessus que je viens de faire, en 12 jours, les 300 kilomètres de désert qui séparent les monts du Harar du port de Zeïlah. Inutile de vous dire quelles horribles souffrances j'ai subies en route, je n'ai jamais pu faire un pas hors de ma civière, mon genou gonflait à vue d'oeil et la douleur augmentait continuellement.

Arrivé ici je suis entré à l'hôpital Européen, il y a une seule chambre pour les malades payants, je l'occupe. Le docteur anglais dès que je lui ai montré mon genou a crié que c'est une synovite, arrivée à un point très dangereux par suite du manque de soins et des fatigues Il parlait tout de suite de couper la jambe. Ensuite, il a décidé d'attendre q.ques jours pour voir si le gonflement diminuerait un peu après les soins médicaux. Il y a Six jours de cela, mais aucune amélioration, sinon que, comme je suis au repos, la douleur a beaucoup diminué. Vous savez que la Synovite est une maladie des liquides de l'articulation du genou, cela peut provenir d'hérédité, ou d'accidents, ou de bien des causes. Pour moi cela a été certainement causé par les fatigues des marches à pied et à cheval au Harar. Enfin à l'état où je suis arrivé, il ne faut pas espérer que je guérisse avant au moins trois mois, sous les circonstances les plus favorables. Et je suis étendu, la jambe bandée, liée, reliée, enchaînée, de façon à ne pouvoir la mouvoir. Je suis devenu un squelette, je fais peur. Mon dos est tout écorché du lit, je ne dors pas une minute. Et ici la chaleur est devenue très forte. La nourriture de l'hôpital, que je paie pourtant assez cher, est très mauvaise. Je ne sais quoi faire. D'un autre côté je n'ai pas encore terminé mes comptes avec mon associé Mr Tian. Cela ne finira pas avant la huitaine. Je sortirai de cette affaire avec 35 mille francs environ. J'aurais eu plus, mais, à cause de mon malheureux départ, je perds q.ques milliers de francs. J'ai envie de me faire porter à un vapeur, et de venir me traiter en France, le voyage me ferait encore passer le temps. Et en France les soins médicaux et les remèdes sont bon marché, et l'air est bon. Il est donc fort probable que je vais venir. Les vapeurs pour la France à présent sont malheureusement toujours combles, parce que tout le monde rentre des colonies à ce temps de l'année. Et je suis un pauvre infirme qu'il faut transporter très doucement, enfin, je vais prendre mon parti dans la huitaine.

Ne vous effrayez pas de tout cela, cependant. De meilleurs jours viendront. Mais c'est une triste récompense de tant de travail, de privations et de peines! Hélas que notre vie est misérable.
Je vous salue du coeur
Rimbaud


PS. Quant aux bas ils sont inutiles, je les revendrai quelque part.

Letter to his mother



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TELEGRAMME A SA MERE

Marseille, 22 mai 1891, 2h50 du soir
Aujourd'hui, toi ou Isabelle, venez Marseille par train express. Lundi matin, on ampute ma jambe. Danger mort. Affaires sérieuses régler. Arthur. Hôpital Conception. Répondez.

Rimbaud.



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LETTRE A SA MERE ET A SA SOEUR

Marseille

Ma chère maman, ma chère soeur,

Après des souffrances terribles, ne pouvant me faire soigner à Aden, j'ai pris le bateau des Messageries pour rentrer en France. Je suis arrivé hier, après treize jours de douleurs. Me trouvant par trop faible à l'arrivée ici, et saisi par le froid, j'ai dû entrer ici à l'hôpital de la Conception, où je paie dix fcs par jour, docteur compris.

Je suis très mal, très mal, je suis réduit à l'état de squelette par cette maladie de ma jambe gauche qui est devenue à présent énorme et ressemble à une énorme citrouille. C'est une synovite, une hydarthrose, etc., une maladie de l'articulation et des os.

Cela doit durer très longtemps, si des complications n'obligent pas à couper la jambe. En tout cas, j'en resterai estropié. Mais je doute que j'attende. La vie m'est devenue impossible. Que je suis donc malheureux! Que je suis donc devenu malheureux!

J'ai à toucher ici une traite de fcs 36 800 sur le Comptoir national d'Escompte de Paris. Mais je n'ai personne pour s'occuper de placer cet argent. Pour moi, je ne puis faire un seul pas hors du lit. Je n'ai pas encore pu toucher l'argent. Que faire. Quelle triste vie! Ne pouvez-vous m'aider en rien?

Rimbaud.
Hôpital de la Conception.
Marseille.



Sources: Rimbaud Oeuvres Complètes, classiques Modernes, La Pochothèque, Le Livre de Poche, 1999.
Les lettres manuscrites de Rimbaud d'Europe, d'Afrique et d'Arabie, édition établie et commentée par Claude Jeancolas, Textuel.










Paul Verlaine : Les Poètes Maudits

[Leggi la versione italiana
qui]


ARTHUR RIMBAUD

[Texte intégral - Première édition publiée 1884]


Nous avons eu l'honneur de connaître M. Arthur Rimbaud. Aujourd'hui des choses nous séparent de lui sans que, bien entendu, notre très profonde admiration ait jamais manqué à son génie.

A l'époque relativement lointaine de notre intimité, M. Arthur Rimbaud était un enfant de seize à dix-sept ans, déjà nanti de tout le bagage poétique qu'il faudrait que le vrai public connût et que nous essaierons d'analyser en citant le plus que nous pourrons.

L'homme était grand, bien bâti, presque athlétique, au visage parfaitement ovale d'ange en exil, avec des cheveux châtain-clair mal en ordre et des yeux d'un bleu pâle inquiétant. Ardennais, il possédait, en plus d'un joli accent de terroir trop vite perdu, le don d'assimilation prompte propre aux gens de ce pays là, - ce qui peut expliquer le rapide dessèchement, sous le soleil bête de Paris, de sa veine, pour parler comme nos pères dont le langage direct et correct n'avait pas toujours tort, en fin de compte !

Nous nous occuperons d'abord de la première partie de l'oeuvre de M. Arthur Rimbaud, oeuvre de sa toute jeune adolescence, - gourme sublime, miraculeuse puberté ; - pour ensuite examiner les diverses évolutions de cet esprit impétueux, jusqu'à sa fin littéraire.

Ici une parenthèse, et si ces lignes tombent d'aventure sous ses yeux, que M. Arthur Rimbaud sache bien que nous ne jugeons pas les mobiles des hommes et soit assuré de notre complète approbation (de notre tristesse noire, aussi) en face de son abandon de la poésie, pourvu, comme nous n'en doutons pas, que cet abandon soit, pour lui, logique, honnête et nécessaire.

L'oeuvre de M. Rimbaud, remontant à la période de son extrême jeunesse, c'est-à-dire à 1869, 70, 71, est assez abondante et formerait un volume respectable. Elle se compose de poèmes généralement courts, de sonnets, triolets, pièces en strophes de quatre, cinq et de six vers. Le poète n'emploie jamais la rime plate. Son vers solidement campé, use rarement d'artifices. Peu de césures libertines, moins encore de rejets. Les choix des mots est toujours exquis, quelquefois pédant à dessein. La langue est nette et reste claire quand l'idée se fonce ou que le sens s'obscurcit. Rimes très honorables.

Nous ne saurions mieux justifier ce que nous disons là qu'en vous présentant le sonnet des


VOYELLES
(vedi POESIE)


La Muse (tant pis ! vivent nos pères !), la Muse, disons-nous, de M. Arthur Rimbaud prend tous les tons, pince toutes les cordes de la harpe, gratte toutes celles de la guitare et caresse le rebec d'un archet agile s'il en fut.

Goguenard et pince-sans-rire, M. Arthur Rimbaud l'est, quand cela lui convient, au premier chef, tout en demeurant le grand poète que Dieu l' a fait.

A preuve l'Oraison du soir, et ces Assis à se mettre à genoux devant !


ORAISON DU SOIR
(vedi POESIE)


Les Assis ont une petite histoire qu'il faudrait peut-être rapporter pour qu'on les comprît bien.

M. Arthur Rimbaud qui faisait alors sa seconde en qualité d'externe au lycée de ***, se livrait aux écoles buisonnières les plus énormes et quand il se sentait - enfin ! fatigué d'arpenter monts, bois et plaines nuits et jours, car quel marcheur ! il venait à la bibliothèque de ladite ville et y demandait des ouvrages malsonnants aux oreilles du bibliothécaire en chef dont le nom, peu fait pour la postérité, danse au bout de notre plume, mais qu'importe ce nom d'un bonhomme en ce travail malédictin ? L'excellent bureaucrate, que ses fonctions mêmes obligaient à délivrer à M. Arthur Rimbaud, sur la requête de ce dernier, force Contes Orientaux et libretti de Favart, le tout entremêlé de vagues bouquins scientifiques très anciens et très rares, maugréait de se lever pour ce gamin et le renvoyait volontiers, de bouche, à ses peu chères études, à Cicéron, à Horace, et à nous ne savons plus quels Grecs aussi. Le gamin, qui d'ailleurs connaissait et surtout appréciait infiniment mieux ses classiques que le birbe, finit par "s'irriter", d'où le chef d'oeuvre en question.


LES ASSIS
(vedi POESIE)


Nous avons tenu à tout donner de ce poème savamment et froidement outré, jusqu'au dernier vers si logique et d'une ardiesse si heureuse. Le lecteur peut ainsi se rendre compte de la puissance d'ironie, de la verve terrible du poète, dont il nous reste à considérer les dons plus élevés, dons suprêmes, magnifique témoignage de l'Intelligence, preuve fière et française, bien française, insistons-y par ces jours de lâche internationalisme, d'une supériorité naturelle et mystique de race et de caste, affirmation sans conteste possible de cette immortelle royauté de l'Esprit, de l'Ame et du Coeur humains :

La Grâce et la Force, et la grande Rhétorique niée par nos intéressants, nos subtils, nos pittoresques, mais étroits et plus qu'étroits, étriqués, Naturalistes de 1883 !

La Force, nous en avons eu un spécimen dans les quelques pièces insérées ci-dessus, mais encore y est-elle à ce point revêtue de paradoxe et de redoutable belle humeur qu'elle n'apparaît que déguisée en quelque sorte. Nous la retrouverons dans son intégrité, toute belle et toute pure, à la fin de ce travail. Pour le moment c'est la Grâce qui nous appelle, une grâce particulière, inconnue certes jusqu'ici, où le bizarre et l'étrange salent et poivrent l'extrême douceur, la simplicité divine de la pensée et du style.

Nous ne connaissons pour notre part dans aucune littérature quelque chose d'un peu farouche et de si tendre, de gentiment caricatural et de si cordial, et de si bon, et d'un jet franc, sonore, magistral, comme


LES EFFARES
(vedi POESIE)


Qu'en dites-vous ? Nous, trouvant dans un autre art des analogies que d'originalité de ce "petit cuadro" nous interdit de chercher parmi tous les poètes possibles, nous dirions, c'est du Goya pire et meilleur. Goya et Murillo consultés nous donneraient raison, sachez-le bien.

Du Goya encore Les chercheuses de Poux, cette fois du Goya lumineux exaspéré, blanc sur blanc avec les effets roses et bleus et cette touche singulière jusqu'au fantastique. Mais combien supérieur toujours le poète au peintre et par l'émotion haute et par le chant des bonnes rimes !

Soyez témoins :


LES CHERCHEUSES DE POUX
(vedi POESIE)


Il n'y a pas jusqu'à l'irrégularité de rime de la dernière stance, il n'y a pas jusqu'à la dernière phrase restant, entre son manque de conjonction et le point final, comme suspendue et surplombante, qui n'ajoutent en légèreté d'esquisse, en tremblé de facture au charme frêle du morceau. Et le beau mouvement, le beau balancement lamartinien, n'est-ce pas ? dans ces quelques vers qui semblent se prolonger dans du rêve et de la musique ! Racinien même, oserions-nous ajouter, et pourquoi ne pas alller jusqu'à cette juste confession, virgilien ?

Bien d'autres exemples de grâce exquisement perverse ou chaste à vous ravir en extase nous tentent, mais les imites normales de ce second essai déjà long nous font une loi de passer outre à tant de délicats miracles et nous entrerons sans plus de retard dans l'empire de la Force splendide où nous convie le magicien avec son


LE BATEAU IVRE
(vedi POESIE)


Maintenant quel avis formuler sur les Premières Communions, poème trop long pour prendre place ici, surtout après nos excès de citations, et dont d'ailleurs nous détestons bien haut l'esprit, qui nous paraît dériver d'une rencontre malheureuse avec le Michelet de dessous les linges sales de femmes et de derrière Parny (l'autre Michelet, nul plus que nous ne l'adore), oui, quel avis émettre sur ce morceau colossal, sinon que nous en aimons la profonde ordonnance et tous les vers sans exception ? Il y en a d'ainsi :


Adonaï ! Dans les terminaisons latines
Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils
Et tachés du sang pur des célestes poitrines,
De grands linges neigeux tombent sur les soleils !


Paris se repeuple, écrit au lendemain de la "Semaine sanglante", fourmille de beautés.


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Cachez les palais morts dans des niches de planches ;
L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards ;
Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches !
...........................................................................
Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,
Paris ! quand tu reçus tant de coups de couteau,
Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires
Un peu de la bonté du fauve renouveau.
...........................................................................


Dans cet ordre d'idées, Les Veilleurs, poème qui n'est plus, hélas ! en notre possession, et que notre mémoire ne saurait reconstituer, nous ont laissé l'impression la plus forte que jamais vers nous aient causée. C'est d'une vibration, d'une largeur, d'une tristesse sacrée ! Et d'un tel accent de sublime désolation, qu'en vérité nous osons croire que c'est ce que M. Arthur Rimbaud a écrit de plus beau, de beaucoup !

Maintes autres pièces de premier ordre nous ont ainsi passé par les mains, qu'un hasard malveillant et le tourbillon de voyages passablement accidentés nous ont fait perdre. Aussi adjurons-nous ici tous nos amis connus ou inconnus qui posséderaient Les Veilleurs, Accroupissements, Le coeur volé, Douaniers, Les mains de Jeanne-Marie, Soeurs de charité, et toutes choses signées du nom prestigieux, de bien vouloir nous les faire parvenir pour le cas probable où le présent travail dû se voir complété. Au nom de l'honneur des Lettres, nous leur réitérons notre prière. Les manuscrits seront religieusement rendus, dès copie prise, à leurs généreux propriétaires.

Il est temps de songer à terminer ceci qui a pris de telles proportions pour ces raisons excellentes :

Le nom et l'oeuvre de Corbière, ceux de Mallarmé, sont assurés pour la suite des temps ; les uns retentirons sur la lèvre des hommes, les autres dans toutes les mémoires dignes d'eux. Corbière et Mallarmé ont imprimé, - cette petite chose immense. M. Rimbaud trop dédaigneux, plus dédaigneux même que Corbière qui du moins a jeté son volume au nez du Siècle, n'a rien voulu faire paraître en fait de vers.

Une seule pièce, d'ailleurs sinon reniée ou désavouée par lui, a été insérée à son insu, et ce fut bien fait, dans la seconde année de la Renaissance, vers 1873. Cela s'appelait Les Corbeaux. Les curieux pourront se régaler de cette chose patriotique, mais patriotique bien, et que nous goutôns fort quant à nous, mais ce n'est pas encore ça. Nous sommes fier d'offrir le premier à nos contemporains intelligents bonne part de ce riche gâteau, du Rimbaud !

Eussions-nous consulté M. Rimbaud (dont nous ignorons l'adresse, aussi bien vague immensément) il nous aurait, c'est probable, déconseillé d'entreprendre ce travail pour ce qui le concerne.

Ainsi, maudit par lui-même, ce Poète Maudit ! Mais l'amitié, la dévotion littéraires que nous lui porterons toujours nous ont dicté ces lignes, nous ont fait indiscret. Tant pis pour lui ! Tant mieux, n'est-ce pas ? pour vous. Tout ne sera pas perdu du trésor oublié par ce plus qu'insouciant possesseur, et si c'est un crime que nous commettons, felix culpa, alors !

Après quelque séjour à Paris, puis diverses périgrinations plus ou moins effrayantes, M. Rimbaud vira de bord et travailla (lui !) dans le naïf, le très et le trop simple, n'usant plus que d'assonances, de mots vagues, de phrases enfantines ou populaires. Il accomplit ainsi des prodiges de ténuité, de flou vrai, de charmant presque inappréciable à force d'être grêle et fluet.


Elle est retrouvée
Quoi ? l'éternité.
C'est la mer allée
Avec les soleils
................................


Mais le poète disparaissait. - Nous entendons parler du poète correct.

Un prosateur étonnant s'ensuivit. Un manuscrit dont le titre nous échappe et qui contenait d'étranges mysticités et les plus aigus aperçus psychologiques tomba dans des mains qui l'égarèrent sans savoir ce qu'elles faisaient.

Une saison en enfer, parue à Bruxelles, 1873, chez Poot et Cie, 37 rue aux Choux, sombra corps et biens dans un oubli monstrueux, l'auteur ne l'ayant pas "lancée" du tout. Il avait bien autre chose à faire.

Il courrut tous les Continents, tous les Océans, pauvrement, fièrement (riche d'ailleurs, s'il l'eût voulu, de famille et de position ) après avoir écrit, en prose encore, une série de superbes fragments, les Illuminations, à tout jamais perdus, nous le craignons bien.

Il disait dans sa Saison en Enfer: "Ma journée est faite. Je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront."

Tout cela est très bien et l'homme a tenu parole. L'homme en M. Rimbaud est libre, cela est trop clair et nous le lui avons concédé en commençant, avec une réserve bien légitime que nous allons accentuer pour conclure. Mais n'avons-nous pas eu raison, nous fou du poète, de le prendre, cet aigle, et de le tenir dans cette cage-ci, sous cette étiquette-ci, et ne pourrions-nous point par surcroît et surérogation (si la Littérature devait voir se consommer une telle perte) nous écrier avec Corbière, son frêre aîné, non pas son grand frère, ironiquement ? Non. Mélancoliquement ? O oui ! Furieusement ? Ah qu'oui ! - :


Elle est éteinte
Cette huile sainte.
Il est éteint
Le sacristain !








Firma di Rimbaud
DICHIARAZIONI & DOCUMENTI

[Italiano]


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DICHIARAZIONE DI RIMBAUD AL COMMISSARIO DI POLIZIA

10 luglio 1873 (verso le 8 del pomeriggio)

Abito a Londra con il signor Verlaine da un anno. Facevamo qualche corrispondenza per i giornali, e davamo lezioni di francese. Restare con lui era diventato impossibile, e avevo manifestato il desiderio di tornare a Parigi. Quattro giorni fa mi ha lasciato per andare a Bruxelles, e mi ha spedito un telegramma chiedendomi di raggiungerlo. Due giorni dopo l'ho fatto, e sono andato ad alloggiare con lui e con sua madre in rue des Brasseurs n° 1. Continuavo a manifestare il desiderio di tornare a Parigi. Lui mi rispondeva: "Sì, parti e vedrai!" Questa mattina è andato a comprare una pistola nella Galleria Saint-Hubert e al ritorno, verso mezzogiorno, me l'ha mostrata. Poi siamo andati alla Maison des Brasseurs, Grand'Place, dove si è continuato a parlare della mia partenza. Tornati a casa, verso le due, lui ha chiuso la porta a chiave a doppia mandata, e si è seduto là davanti; quindi ha caricato la postola e ha sparato due colpi dicendo: "Tieni! Insegnerò io a voler partire!" I colpi sono stati sparati a tre metri di distanza; il primo mi ha ferito al polso sinistro, il secondo non mi ha preso. Sua madre era presente e mi ha prestato le prime cure. Dopo sono andato all'ospedale Saint- Jean, dove mi hanno fasciato. Sono stato accompagnato da Verlaine e da sua madre. Finita la medicazione, siamo tornati tutti e tre a casa. Verlaine mi diceva ancora di restare con lui e di non abbandonarlo; ma io non ho voluto acconsentire e sono uscito verso le sette del pomeriggio, accompagnato da Verlaine e da sua madre. Giunto nei paraggi di place Ruppe, Verlaine mi ha preceduto di qualche passo e poi si è girato. Ho visto che si metteva la mano in tasca per afferrare la pistola, allora ho fatto dietro-front e sono scappato. Ho incontrato l'agente di polizia al quale ho raccontato l'accaduto, ed egli ha invitato Verlaine a seguirlo in commissariato.
Se mi avesse lasciato libero di partire non l'avrei denunciato per la ferita.

A. Rimbaud



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DICHIARAZIONE DI VERLAINE AL COMMISSARIO DI POLIZIA

10 luglio 1873

Sono arrivato a Bruxelles quattro giorni fa, infelice e disperato. Conosco Rimbaud da più di un anno. Ho vissuto con lui a Londra, da dove sono partito quattro giorni fa per venire ad abitare a Bruxelles ed essere meno lontano dai miei affari, perché è in corso una causa di separazione da mia moglie, che abita a Parigi e insinua che io abbia rapporti immorali con Rimbaud. Ho scritto a mia moglie che se non fosse venuta a raggiungermi entro tre giorni mi sarei bruciato le cervella; a questo scopo stamattina ho acquistato la pistola, nella Galleria Saint-Hubert, con la custodia e una scatola di capsule, per la somma di 23 franchi. Dopo il mio arrivo a Bruxelles ho ricevuto una lettera di Rimbaud in cui mi chiedeva se poteva raggiungermi. Gli ho spedito un telegramma per dirgli che l'aspettavo; due giorni fa è arrivato qui. Oggi, vedendomi infelice, voleva abbandonarmi. Ho ceduto a un momento di pazzia e ho fatto fuoco. All'inizio non mi ha denunciato. Mi sono recato all'ospedale Saint-Jean per farlo curare, e poi siamo ritornati indietro insieme. Rimbaud voleva partire a ogni costo. Mia madre gli ha dato venti franchi per il viaggio, e mentre lo accompagnavo alla stazione ha sostenuto che volessi ammazzarlo.

P. Verlaine




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INTERROGATORIO DEL GIUDICE ISTRUTTORE A VERLAINE

DOMANDA: Non siete stato mai condannato?

RISPOSTA: No. Non saprei dire con esattezza ciò che è accaduto ieri. Avevo scritto a mia moglie che abita a Parigi di venire a raggiungermi, lei non mi ha risposto; del resto, una amico cui sono molto affezionato era venuto a trovarmi a Bruxelles da due giorni e voleva lasciarmi per tornare in Francia; tutto questo mi ha fatto sprofondare nella disperazione, e ho comprato una pistola con l'intenzione di farla finita. Una volta a casa, ho avuto con l'amico una discussione: nonostante le mie suppliche voleva lasciarmi: nel mio delirio gli ho sparato un colpo di pistola che lo ha ferito alla mano. Quindi ho lasciato cadere la pistola e il secondo colpo è partito per caso. Ho provato immediatamente un gran rimorso per ciò che avevo fatto; mia madre ed io abbiamo subito accompagnato Rimbaud all'ospedale per farlo medicare; la ferita non era grave. Nonostante la mia insistenza ha ribadito la sua intenzione di tornare in Francia. Ieri sera l'abbiamo accompagnato alla Gare du Midi. Durante il tragitto ho rinnovato le mie preghiere; gli ho perfino sbarrato la strada per impedirgli di proseguire minacciando di bruciarmi le cervella; forse ha frainteso, ha creduto stessi minacciando lui, me non era nelle mie intenzioni.

D.: Qual è il motivo delle vostro presenza a Bruxelles?

RISPOSTA: Speravo che mia moglie mi avrebbe raggiunto, come aveva fatto dopo la nostra separazione.

D.:Non capisco come la partenza di un amico abbia potuto gettarvi in una disperazione simile. Fra voi e Rimbaud esistono rapporti diversi da quelli dell'amicizia?

RISPOSTA: No. E' una calunnia che è stata inventata da mia moglie e dalla sua famiglia per nuocermi. Mi accusano di questo nella petizione presentata al tribunale, e a sostegno della domanda di....

Letto, approvato e firma to:
P. Verlaine, Th. T'Serstevens, C. Ligour



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DEPOSIZIONE DI RIMBAUD DAVANTI AL GIUDICE ISTRUTTORE

12 luglio 1873


Ho conosciuto Verlaine a Parigi circa due anni fa. L'anno scorso, in seguito a dissapori con sua moglie e con la famiglia di lei, mi propose di andare con lui all'estero; avremmo dovuto guadagnarci da vivere in qualche modo, perché io non ho la minima fortuna personale e Verlaine ha soltanto il prodotto del suo lavoro e un po' di denaro che gli dà sua madre. Siamo venuti insieme a Bruxelles nel mese di luglio dell'anno scorso e vi abbiamo soggiornato circa due mesi; vedendo poi che in questa città per noi non c'era niente da fare, siamo andati a Londra. Lì abbiamo vissuto insieme fino a questi ultimi tempi, occupando lo stesso alloggio e mettendo tutto in comune. In seguito a una discussione che abbiamo avuto all'inizio della settimana scorsa, sorta perché lo avevo rimproverato per la sua indolenza e per il suo modo di comportarsi con delle persone che conoscevamo, Verlaine mi lasciò quasi all'improvviso, senza neanche dirmi dove stesse andando. Tuttavia supposi che si sarebbe recato a Bruxelles, o che ci sarebbe passato, dato che aveva preso il battello per Anversa. Ricevetti in seguito da lui una lettera datata "in mare", che vi consegnerò, nella quale mi annunciava che avrebbe richiamato la moglie presso di sé, e che se entro tre giorni lei non avesse risposto al suo appello si sarebbe ammazzato; mi diceva anche di scrivergli al fermo posta di Bruxelles. Allora gli scrissi due lettere nelle quali gli chiedevo di ritornare a Londra o di accettare che lo raggiungessi a Bruxelles. Lui mi spedì un telegramma chiedendomi di venire qui, a Bruxelles. Desideravo che ci riunissimo di nuovo, perché non avevamo nessun motivo di separarci. Dunque lasciai Londra; arrivai a Bruxelles martedì mattina e raggiunsi Verlaine. Sua madre era con lui. Non aveva nessun progetto definito: non voleva restare a Bruxelles perché temeva che in questa città non ci fosse nulla da fare. Io, da parte mia, non volevo acconsentire a ritornare a Londra, come lui mi proponeva, , perché la nostra partenza doveva aver prodotto penosi effetti nell'animo dei nostri amici, e decisi di tornare a Parigi. Verlaine a volte manifestava l'intenzione di accompagnarmi, per andare, come diceva, a far giustizia di sua moglie e dei suoceri; a volte rifiutava di accompagnarmi perché Parigi destava in lui ricordi troppo tristi. Era in uno stato di grandissima esaltazione. Tuttavia insisteva molto perché rimanessi con lui: ora disperato, ora infuriato. Non c'era alcun nesso fra i suoi pensieri. Mercoledì sera bevette oltre misura e si ubriacò. Giovedì mattina uscì alle sei; tornò non prima di mezzogiorno; era di nuovo in stato di ubriachezza; mi mostrò una pistola che aveva comprato, e quando gli chiesi che cosa intendesse farne rispose scherzando: "E' per te, per me, per tutti!". Era sovreccitato.

Mentre stavamo insieme nella nostra camera scese diverse volte a bere liquori; voleva ancora impedirmi di realizzare il mio intento di tornare a Parigi. Io restai irremovibile. Chiesi perfino a sua madre il denaro per il viaggio. Allora, a un certo punto, chiuse a chiave la porta della stanza che dava sul pianerottolo e si sedette su una sedia davanti alla porta. Io ero in piedi, appoggiato alla parete di fronte. Allora mi disse: "Questo è per te, visto che parti!" o qualcosa del genere. Rivolse la postola contro di me e sparò un colpo che mi raggiunse al polso sinistro; il primo colpo fu seguito quasi istantaneamente da un secondo, ma questa volta l'arma non era più diretta contro di me: era abbassata verso il pavimento. Verlaine manifestò immediatamente la più viva dispiacere per quello che aveva fatto; si precipitò nella camera attigua occupata dalla madre e si buttò sul letto. Era come impazzito: mi mise la pistola fra le mani e mi esortò a scaricargliela sulla testa. Il suo atteggiamento era quello di intenso rimorso per ciò che era accaduto. Verso le cinque del pomeriggio sua madre e lui mi portarono qui a farmi medicare. Tornati all'albergo, mi proposero di rimanere con loro per curarmi, oppure di tornare all'ospedale fino a completa guarigione. La ferita non mi sembrava grave, e manifestai l'intenzione di recarmi la sera infine, fu la volta di Isabelle:stessa in Francia, a Charleville, da mia madre. Questa notizia gettò ancora Verlaine nella disperazione. Sua madre mi consegnò venti franchi per il viaggio, e uscirono con me per accompagnarmi alla Gare du Midi. Verlaine era come impazzito, fece di tutto per trattenermi; peraltro aveva sempre la mano nella tasca della giacca in cui si trovava la pistola. Giunti in place Ruppe, ci precedette di qualche passo e poi tornò indietro verso di me; il suo atteggiamento mi fece temere si potesse abbandonasse ad altri eccessi; mi girai e mi diedi alla fuga correndo. Fu allora che pregai un agente di polizia di arrestarlo.
La pallottola che mi ha colpito alla mano non è ancora stata estratta, il dottore mi ha detto che potrà esserlo solo fra due o tre giorni.

DOMANDA: Di che cosa vivevate a Londra?

RISPOSTA: Soprattutto del denaro che la signora Verlaine spediva al figlio. Avevamo anche qualche lezione di francese che davamo assieme, ma non rendevano molto, una dozzina di franchi a settimana, verso la fine.

D.: Conosce il motivo dei dissapori fra Verlaine e la moglie?

RISPOSTA: Verlaine non voleva che sua moglie continuasse ad abitare col padre.

D.: Ma essa non si lamenta anche della sua intimità con Verlaine?

RISPOSTA: Sì, ci accusa perfino di rapporti immorali, ma non voglio nemmeno darmi la pena di smentire simili calunnie.

Letto firmato, approvato e firmato:
A. Rimbaud, Rh. T'Serstevens, C. Ligour



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NUOVO INTERROGATORIO DI VERLAINE


Non posso dirvi niente di più di quel che vi ho detto nel primo interrogatorio sui motivi dell'attentato che ho commesso contro Rimbaud. In quel momento ero completamente ubriaco, ero fuori di me. E' vero che seguendo i consigli del mio amico Mourot avevo rinunciato per un momento ai progetti di suicidio; avevo deciso d'arruolarmi come volontario nell'esercito spagnolo; ma poiché il tentativo da me compiuto presso l'ambasciata spagnola era stato vano, quelle idee di suicidio tornarono ad assalirmi. Ero in questo stato d'animo quando giovedì mattina acquistai la pistola. Ho caricato la pistola in un piccolo caffè in rue des Chartreux; ero andato lì per far visita ad un amico.
Non ricordo di avere avuto con Rimbaud una discussione irritante, che possa spiegare il gesto che mi viene rimproverato. Mia madre, che ho rivisto dopo il mio arresto, mi dice che avevo pensato di recarmi a Parigi per fare un ultimo tentativo di riconciliazione con mia moglie, e che preferivo non essere accompagnato da Rimbaud; ma personalmente non ho nessun ricordo di questo fatto. Del resto, nei giorni che precedettero l'attentato, le mie idee erano incoerenti e mancavano completamente di logica.
Se ho richiamato Rimbaud telegraficamente, non era per tornare a vivere con lui. Quando spedii il telegramma avevo intenzione di arruolarmi nell'esercito spagnolo; era piuttosto per dirgli addio.
Ricordo che nella sera di giovedì mi sforzai di trattenere Rimbaud a Bruxelles; ma obbedivo, facendo questo, a sentimenti di rimpianto e dal desiderio di fargli vedere, con quell'atteggiamento, che nel gesto da me compiuto non c'era niente di volontario. Inoltre volevo che fosse completamente guarito dalla sua ferita, prima di tornare in Francia.

Letto firmato, approvato e fir mato:

P. Verlaine , Rh. T'Serstevens, C. Ligour
18 luglio 1873




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NUOVA DEPOSIZIONE DI RIMBAUD

Ribadisco le dichiarazioni che vi ho fatto in precedenza, e cioè che prima di tirarmi un colpo di pistola, Verlaine aveva fatto di tutto affinché rimanessi con lui. E' vero che a un certo punto manifestò l'intenzione di recarsi a Parigi per fare un tentativo di riconciliazione con la moglie, e voleva impedirmi di andarci anch'io, ma cambiava idea ogni minuto, non si soffermava mai su nessun progetto. Dunque, non posso trovare nessuna ragione seria all'attentato compiuto contro di me. Farneticava completamente: era in stato d'ebbrezza, durante la mattinata aveva bevuto, come del resto ha la'bitudine di fare quando è abbandonato a se stesso.

Ieri mi hanno estratto dalla mano la pallottola che mi aveva ferito: il dottore dice che fra tre o quattro giorni sarò guarito.

Conto di tornare in Francia, presso mia madre, che abita a Charleville.


Letto firmato, approvato e f irmato:
A. Rimbaud, Rh. T'Serstevens, C. Ligour
18 luglio 1873



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ATTO DI RINUNZIA DI RIMBAUD


Io sottoscritto Arthur Rimbaud, 19 anni, letterato, domiciliato abitualmente a Charleville (Ardenne, Francia), dichiaro in ossequio alla verità che giovedì 10 c.m., verso le ore 14, nel momento in cui il sig. Paul Verlaine, nella stanza di sua madre, ha sparato verso di me un colpo di pistola che mi ha lievemente ferito al polso sinistro, il sig. Verlaine era in un tale stato di ubriachezza da non navere coscienza delle proprie azioni.

Che sono intimamente convinto che comperando quell'arma il sig. Verlaine non aveva alcuna intenzione ostile contro di me, e che non c'era premeditazione criminale nell'atto di chiudere a chiave la porta dove eravamo.

Che la causa dell'ubriachezza del sig. Verlaine risiedeva semplicemente nei pensieri dovuti ai dissapori con la signora Verlaine, sua moglie.

Dichiaro, altresì, di offrirgli volentieri e di consentire alla mia pura e semplice rinuncia ad ogni azione penale, correzionale e civile, e da oggi desisto dal beneficio di qualsiasi incriminazione che possa venire intentata dal Pubblico Ministero contro il sig. Verlaine per i fatti in questione.


A. Rimbaud

Sabato 19 luglio 1873



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CORRISPONDENZA

[Italiano]


a Georges Izambard [Charleville, primavera 1870] Se avesse, e se potesse prestarmi, (soprattutto): 1° Curiosità storiche, I vol. di Ludovic Lalanne, credo. 2° Curiosità Bibliografiche, I vol. dello stesso; 3° Curiosità della Storia di Francia, di P. Jacob, prima serie; comprende la Festa dei giullari, il Re dei Ribaldi, i Franc-Taupins, i giullari del re di Francia. (e soprattutto)… la seconda serie della stessa opera. Verrò a prendere il tutto domani, fra le 10 e le 10 e un quarto. Le sarò obbligatissimo. Mi sarebbero utilissimi.

Arthur Rimbaud



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A THEODORE DE BANVILLE

Charleville (Ardenne), 24 maggio 1870


Al Signor Théodore de Banville.

Caro Maestro,

Siamo nei mesi dell'amore; ho diciassette anni, L'età delle speranze e delle chimere, come suol dirsi. - ed ecco che mi sono messo, fanciullo sfiorato dal dito della Musa - scusi le banalità, - a dire i miei buoni propositi, le mie speranze, le mie sensazioni, tutte quelle cose dei poeti - ciò che io chiamo: primavera. Se le invio qualcuno di questi versi, - e ciò tramite Alf. Lemerre, il buon editore, - è perché amo tutti i poeti, tutti i buoni Parnassiani, - ogni poeta è un Parnassiano, - innamorati della bellezza ideale; perché amo in lei, molto ingenuamente, un erede di Ronsard, un fratello dei nostri maestri del 1830, un vero romantico, un vero poeta. Ecco perché. - È sciocco, non le pare, ma dunque?...

Fra due anni, fra un anno forse, sarò a Parigi. - Anch'io, signori del giornale, sarò Parnassiano! - Non so che cos'ho… che vuol salire… - Giuro, caro maestro, di adorare sempre le due dee, la Musa e la Libertà.

Non aggrotti troppo le sopracciglia leggendo questi versi… Lei mi renderebbe pazzo di gioia e di speranza, se volesse, caro Maestro, di far dare al pezzo Credo in unam un posticino fra i Parnassiani…
Uscirei nell'ultima serie del Parnasse: che sarebbe il Credo dei poeti!...

- Ambizione! o Folle!


ARTHUR RIMBAUD


Par les beaux soird d'été, j'irai dans les sentiers, .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20 aprile 1870
A. R.


OPHÉLIE

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoile

15 maggio 1870
ARTHUR RIMBAUD

CREDO IN UNAM

Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,

29 aprile 1870


Se questi versi trovassero posto nel Parnasse Contemporain?
- Non sono forse la fede dei poeti?
- Non sono conosciuto; che importa? i poeti sono fratelli. Questi versi credono; amano; sperano; è tutto.
- Caro maestro, a me; mi innalzi un po': sono giovane: mi tenda una mano…




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A GEORGES IZAMBARD

Charleville, 25 agosto [18]70

Molto urgente.


Signore,
Com'è fortunato, lei, a non abitare più a Charleville!
La mia città è superlativamente idiota fra tutte le cittadine di provincia. Su questo punto, mi creda, non mi faccio più illusioni. Perché si trova vicino a Mézières, - una città irreperibile, - perché vede peregrinare per le sue strade due o trecento marmittoni, questa popolazione bonacciona gesticola, borghesemente spadaccina, ben più degli assediati di Metz e di Strasburgo! Terribili, i droghieri in pensione che si mettono l'uniforme! È meraviglioso le arie che hanno messo su questi notai, i vetrai, gli esattori, i falegnami e tutti i pancioni che, fucile al petto, fanno mostra di patriottismo alle porte di Mézières. La patria è in piedi. Io, per quanto mi riguarda, preferisco vederla seduta. Non muovete gli stivali, è il mio motto. Sono spaesato, malato, furioso, istupidito, stravolto; aspiravo a bagni di sole, passeggiate infinite, riposo, viaggi, avventure e insomma cose da bohémien; speravo soprattutto in libri, giornali… Niente! Niente! la posta non porta più niente ai librai; Parigi se ne infischia bellamente di noi: neanche un libro nuovo! è la morte! Eccomi ridotto, quanto a giornali, al rispettabile Corriere delle Ardenne, - proprietario, gerente, redattore-capo e redattore unico: A. Pouillard! Questo giornale riassume le aspirazioni, i desideri e le opinioni della popolazione: giudichi lei! che bella roba!... Siamo esiliati in patria!!!
Per fortuna, ho la sua stanza: - si ricorderà del permesso che mi ha dato. Mi sono portato a casa la metà dei suoi libri! Ho preso Le Diable à Paris. Mi dica un po': c'è mai stato qualcosa di più imbecille dei disegni di Grandville? - Ho Costal l'Indien, e La Robe de Nessun, due romanzi interessanti. Ma, che dirle? Ormai ho letto tutti i suoi libri, tutti; tre giorni fa sono sceso fino alle Epreuves, poi alle Glaneuses, - ma sì, ho riletto tutto il volume! - e poi basta!... Non rimaneva più niente, la sua biblioteca, la mia ultima ancora di salvezza, era esaurita!... Il Don Chisciotte mi apparve: ieri, per due ore, ho passato in rassegna le incisioni del Doré: adesso non ho più nulla!
Le mando un po' di versi: se li legga una mattina, al sole, come li ho fatti io: adesso non è più professore, spero!...

[…] Arrivederla, mi mandi una lettera di 25 pagine - fermo posta - e in frettissima!

Rimbaud

P.S. Presto, alcune rivelazioni sulla vita che voglio fare dopo… le vacanze…


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A GEORGES IZAMBARD

Parigi, 5 settembre 1870


Caro Signore,
quel che lei mi consigliava di non fare, l'ho fatto: sono andato a Parigi, abbandonando la casa materna! Ho fatto questo scherzetto il 29 agosto. Arrestato mentre scendevo dal treno perché non avevo un soldo e dovevo tredici franchi di biglietto, sono stato condotto in prefettura, e, oggi, aspetto la mia sentenza a Mazas! - Oh! Spero in lei come in una madre; lei è stato sempre per me come un fratello: le chiedo istantemente l'aiuto che mi ha offerto. Ho scritto a mia madre, al procuratore imperiale, al commissario di polizia di Charleville; se non avrà ricevuto mie notizie mercoledì, prima del treno che va da Douai a Parigi, prenda quel treno, venga qui e mi richieda per iscritto, o presentandosi al procuratore, pregando, e rispondendo di me, e pagando il mio debito! Faccia tutto quanto potrà, e, quando avrà ricevuto questa lettera, scriva, anche lei, glielo ordino, sì, scriva alla mia povera madre (Quai de la Madeleine, 5, Charlev.) per consolarla! Scriva anche a me; faccia tutto! Le voglio bene come un fratello, le vorrò bene come a un padre. Le stringo la mano.

Il suo povero
Arthur Rimbaud


E se riuscirà a liberarmi mi porti a Douai con [lei].



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A LEON BILLUART

Charleroi,

[8 ottobre 1870]
[...]

Ho cenato fiutando gli odori degli sfiatatoi che esalano i profumi della carne e del pollame arrosto delle buone cucine benestanti di Charleroi, e poi sono andato a mangiucchiare al chiaro di luna una tavoletta di cioccolata fumacese [...]




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A GEORGES IZAMBARD

Charleville, 2 novembre 1870


Signore,

questo solo per lei -

Sono tornato a Charleville il giorno dopo aver lasciato lei. Mia madre mi ha accolto, e sono qui… in ozio assoluto. Mia madre non mi metterà in convitto fino a gennaio '71. Ebbene, ho mantenuto la promessa.
Muoio, mi decompongo nella mediocrità, nella meschinità, nel grigiore. Che vuole, mi incaponisco tremendamente a voler adorare la libertà libera, e… un mucchio di cose, da "far pietà", non è vero? - Avrei dovuto ripartire oggi stesso; potevo farlo: ero vestito a nuovo, bastava vendere l'orologio, e viva la libertà! - Dunque sono rimasto! Sono rimasto! - e vorrò ripartire ancora tante altre volte. - Su, cappello, cappotto, i pugni nelle tasche, e andiamo. Ma resterò. Questo non l'ho promesso. Ma lo farò per meritarmi il suo affetto: me l'ha detto lei. Lo meriterò. La riconoscenza che sento, non gliela saprei esprimere oggi meglio dell'altro giorno. Gliela proverò! Se si trattasse di fare qualcosa per lei, morirei pur di farlo, - ha la mia parola.

Ho ancora un mucchio di cose da dire…

Quel "senza-cuore" di

Arthur Rimbaud


Guerra: niente assedio a Mézières. A quando? Non se ne parla. Ho fatto la sua commissione al Sig. Deverrière, e, se occorre fare altro, lo farò. - Qua e là, qualche franca sparatoria. Abominevole prurigine d'idiozia, questo è lo spirito della popolazione. Se ne sentono delle belle, sul serio. È dissolvente!




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A GEORGES IZAMBARD

Charleville, [13] maggio 1871


Caro Signore!

Rieccola professore. Dobbiamo noi stessi alla Società, mi aveva detto lei; lei fa parte del corpo insegnante: è sulla buona strada. - E anch'io seguo il principio: mi faccio cinicamente mantenere ; riesumo i vecchi imbecilli del collegio: tutto ciò che posso inventare di stupido, di sporco, di malvagio, in atti e parole, lo affido a loro: mi pagano in boccali di birra e bicchieri di vino. Stat mater dolorosa, dum pendet filius , - Devo me stesso alla Società, è giusto; - e ho ragione. - Anche lei ha ragione, per oggi. In fondo lei non vede nel suo principio che poesia soggettiva: la sua ostinazione a voler riguadagnare la greppia universitaria - pardon! - lo dimostra. Ma lei finirà sempre come un soddisfatto che non ha fatto niente, perché non ha voluto far niente. Senza contare che la sua poesia soggettiva sarà sempre orribilmente insulsa. Un giorno, spero, - e molti altri sperano la stessa cosa, - vedrò nel vostro principio la poesia oggettiva, la vedrò più sinceramente di quanto potrebbe farlo lei! - Sarò un lavoratore: è l'idea che mi trattiene quando le folli collere mi spingono verso la battaglia di Parigi, - dove tanti lavoratori muoiono ancora mentre le scrivo! Lavoratore adesso, mai, mai; sono in sciopero.

Adesso m'incanaglisco il più possibile. Perché? Voglio essere poeta, e lavoro a rendermi Veggente : lei non ci capirà niente, e io quasi non saprei spiegarle. Si tratta di arrivare all'ignoto mediante lo sregolamento di tutti i sensi . Le sofferenze sono enormi, ma bisogna esser forti, essere nati poeti, e io mi sono riconosciuto poeta. Non è affatto colpa mia. È falso dire: Io penso: si dovrebbe dire mi si pensa. - Scusi il gioco di parole.

IO è un altro. Tanto peggio per il pezzo di legno che si ritrova violino, e Sprezzo agli incoscienti, che argomentano su ciò che ignorano del tutto!

Lei non è Insegnante per me. Voglio offrirle questo: è satira, come direbbe lei? È poesia? È fantasia, sempre. - Ma, la supplico, non sottolinei né con la matita, né troppo col pensiero:

LE COEUR SUPPLICÉ

Mon triste coeur bave à la poupe .
. . . . . . . . . . . . .

Non è che non voglia dire niente. MI RISPONDA: presso il Sig. Deverrière, per A.R.

Cordiali saluti,

Ar. Rimbaud



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A PAUL DEMENY

Charleville (Ardenne), [28] agosto 1871


Signore, Lei mi fa ricominciare la preghiera: e sia. Ecco il lamento al gran completo. Cerco parole calme: ma la mia scienza in quest'arte non è molto profonda. Insomma, ecco qua.

Situazione dell'imputato: ho abbandonato da più di un anno la vita normale per quello che lei sa. Chiuso perennemente in questa inqualificabile contrada ardennese, senza frequentare un solo uomo, concentrato in un lavoro infame, inetto, testardo, misterioso, rispondendo col silenzio alle domande, alle apostrofi rozze e cattive, mostrandomi dignitoso nella mia condizione extralegale, ho finito col provocare atroci risoluzioni da parte di una madre inflessibile quanto settantatré amministrazioni dai berretti di piombo.

Ha voluto impormi un lavoro, - da ergastolano, a Charleville (Ardenne)! Un posto per il tal giorno, diceva, oppure, quella è la porta. Ho rifiutato questa vita; senza spiegare le mie ragioni: sarebbe stato pietoso. Fino ad oggi sono riuscito a eludere le scadenze. Lei si è arrivata a questo: augurarsi continuamente una mia partenza sconsiderata, la fuga! Indigente, inesperto, andrei a finire in una casa di correzione. E da quel momento, silenzio su di me! Ecco il fazzoletto di disgusto che mi hanno ficcato in bocca. È molto semplice.

Non chiedo niente, chiedo un'informazione. Io voglio lavorare libero: però a Parigi, che amo. Senta: sono un viandante, nient'altro; arrivo nella città immensa senza alcuna risorsa materiale: però lei mi ha detto: Chi desidera essere operaio a quindici soldi al giorno ve nel tal posto, fa così, vive così. Andrò lì, farò così, vivrò così. L'ho pregata di indicarmi occupazioni poco impegnative perché il pensiero richiede ampie porzioni di tempo. Assolvendo il poeta, queste bazzecole materiali si fanno amare. Sono a Parigi: mi occorre un' economia positiva! A lei tutto questo non sembra sincero? A me, pare così strano, dover certificare la mia serietà!

Avevo avuto l'idea di cui sopra: l'unica a sembrarmi ragionevole: gliela ripeterò in termini diversi. Ho buona volontà, faccio quello che posso, parlo comprensibilmente come un infelice! Perché strapazzare un bambino che, non dotato di principi zoologici, desideri un uccello con cinque ali? Finirebbe col credere agli uccelli con sei code e tre becchi! Basterà prestargli un Buffon per famiglie, si ricrederà.

Dunque, ignaro di quel che lei mi potrà scrivere, taglio corto con le spiegazioni e continuo a fidarmi della sua esperienza, della sua cortesia che ho benedetta, al ricevere la sua lettera, e la incito un po' a partire dalle mie idee, - la prego…

Accoglierebbe senza troppo fastidio qualche campione del mio lavoro?

A. Rimbaud




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A VERLAINE


[Charleville, settembre 1871]


[…]

Ho in testa il progetto di un grande poema, e a Charleville non posso lavorare. Venire a Parigi mi è impossibile, non ho un soldo. Mia madre è vedova ed estremamente pia. Mi dà solo dieci centesimi la domenica, per pagarmi la panca in chiesa.

[…]





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A VERLAINE

Charleville, aprile 1872

[…]

Il lavoro è più lontano da me che le mie unghie dal mio occhio. Merda per me! Merda per me! Merda per me! Merda per me! Merda per me! Merda per me! Merda per me!

Quando mi vedrete mangiare realmente della merda, allora soltanto troverete che mantenermi non costa troppo caro!

[…]




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A ERNEST DELAHAYE

Parmerda, Giugno 1872


Amico mio,

Sì, è sorprendente l'esistenza del cosmorama Arduano. La provincia, dove ci si nutre di farinacei e di fango, dove si beve vino locale e birra del posto, non è ciò che rimpiango. E tu hai ragione a denunciarla continuamente. Ma qui: distillazione, composizione, tutto meschinerie; e l'estate opprimente: la calura non è molto costante, ma al vedere che il bel tempo interessa a tutti, e che tutti sono dei porci, odio l'estate, che mi uccide non appena si manifesta. Ho una sete da far temere la cancrena: i fiumiciattoli ardennessi e belgi, le grotte, ecco cosa
Qui c'è una mescita che prediligo. Viva l'accedemia dell'Assonfio, nonostante la cattiva volontà dei camerieri! È l'abito più delicato e più tremolante l'ubriachezza, in virtù di questa salvia dei ghiacciai, l'assonfio. Ma per stendersi, dopo, nella merda!
Sempre la stessa lagna, insomma! La cosa più certa è merda a Perrin. E al caffè dell'Universo, si trovi davanti alla piazzetta o no. Non maledico l'Universo, comunque. - Mi auguro con forza che le Ardenne siano occupate e tiranneggiate sempre più sfrenatamente. Ma tutto ciò è ancora normale.
Di serio, c'è che hai bisogno di tormentarti troppo, forse avresti ragione a camminare molto e leggere. Ragione, in ogni caso, a non confinarti negli uffici e pensioni di famiglia. Gli abbrutimenti devono realizzarsi lontano da quei posti. Non voglio venderti del balsamo, ma credo che le abitudini non offrano consolazioni, per i giorni miserandi.
Adesso è di notte che lavorinco. Da mezzanotte alle cinque del mattino. Il mese scorso la mia camera, via Monsieur-le-Prince, dava su un giardino del liceo Saint-Louis. C'erano alberi enormi sotto la mia stretta finestra. Alle tre del mattino la candela impallidisce: tutti gli uccelli strillano insieme negli alberi: è finita. Niente più lavoro. Bisognava che guardassi gli alberi, il cielo, colti da quell'ora indicibile, la prima del mattino. Vedevo i dormitori del liceo, assolutamente sordi. E già il rumore a scatti, sonoro, delizioso delle carrette sui boulevards . - Fumavo la mia pipa-martello, sputando sulle tegole, perché era una soffitta, la mia stanza. Alle cinque scendevo a comprarmi un po' di pane; è l'ora. Gli operai sono già al lavoro ovunque. È l'ora di ubriacarmi dal vinaio, per me. Rientravo per mangiare, e mi coricavo alle sette del mattino, quando il sole faceva uscire i millepiedi da sotto le tegole. Il primo mattino in estate, e le sere di dicembre, ecco ciò che mi ha sempre incantato qui.
Ma, in questo momento, ho una stanza graziosa, su un cortile senza fondo ma di tre metri quadrati. - Via Victor-Cousin fa angolo in piazza della Sorbona col caffè del Basso Reno, e dà su via Soufflot, all'altra estremità. - Qui bevo acqua tutta la notte, non vedo il mattino, non dormo, soffoco. Ecco.
Sarà certamente fatta giustizia al tuo reclamo! Non dimenticare di cacare sulla Reinassance , giornale artistico e letterario, se lo incontri. Ho evitato, finora, quegli impiastri degli immigrati Carolopomerdosi. E merda alle stagioni. E conrabbia.

A. R.

Rue Victor-Cousin, Hôtel de Cluny




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A VERLAINE

Laïtou (Roche) (Cantone di Attigny), Maggio [18]73


Caro amico, guarda la mia attuale esistenza nell'acquerello sottostante.

Oh Natura! oh madre mia!

[ disegno]


Che stercaglia! e che mostri d'innocenza, questi contadini. La sera, per bere un po', bisogna farsi due leghe e più. La mother mi ha ficcato in questo triste buco.

[ disegno]


Non so come uscirne: ma ne uscirò. Rimpiango l'atroce Charlestown, l'Universo, La Bibliotè ecc… Lavoro tuttavia abbastanza regolarmente, scrivo piccole storie in prosa, titolo generale: Libro pagano, o Libro negro. È sciocco e innocente. Oh innocenza! innocenza; innocenza, innoc…, flagello […] Il sole è opprimente e al mattino si gela. L'altroieri sono stato a vedere i Prussimarzi a Vouziers, una sottoprefettura di 10.000 anime, a sette chilometri da qui. Ciò mi ha ritemprato. Mi sento abominevolmente a disagio. Neanche un libro, neanche un'osteria, neanche un incidente per la strada. Quale orrore questa campagna francese. La mia sorte dipende da questo libro, per il quale mi restano da inventare una mezza dozzina di storie atroci. Ma come inventare atrocità qui! Non ti spedisco le storie, benché ne abbia già tre, costa troppo

Ecco insomma!

Arrivederci, e vedrai.

Rimb.


Prossimamente ti spedirò i francobolli perché mi compri e mi spedisca il Faust di Goethe, Bibliot[eca] popolare. Deve costare un soldo di spedizione. Dimmi se ci sono traduz. di Shakespeare fra i nuovi volumi di questa bibliot. Anzi se puoi spedirmi il catalogo più recente, spediscilo. R.



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A VERLAINE

Londra, venerdì pomeriggio [4 luglio 1873]


Ritorna, ritorna, amico mio, caro amico, unico amico, ritorna. Ti giuro che sarò buono. Se sono stato sgarbato con te, è stato uno scherzo in cui mi ero incaponito; me ne pento più di quanto se ne possa dire. Ritorna, tutto sarà dimenticato. Che disgrazia che tu abbia dato peso a quello scherzo. Sono due giorni che non smetto di piangere. Torna. Sii coraggioso, caro amico. Niente è perduto. Basta solo che tu rifaccia il viaggio. Noi torneremo a vivere qui coraggiosamente, pazientemente. Ah! te ne supplico. È per il tuo bene, del resto. Ritorna, troverai tutte le tue cose. Spero che tu adesso abbia capito che non c'era niente di vero nella nostra discussione. Che momento spaventoso! Ma tu, quando ti facevo segno di scendere dal battello, perché non sei venuto? Abbiamo vissuto due anni insieme per arrivare a questo punto qui? Cosa farai? Se non vuoi tornare qui, vuoi che vanga io dove stai tu?


Sì, ero io che avevo torto.
Oh! non mi dimenticherai, no?
No, non puoi dimenticarmi.
Io ti ho qui sempre.
Di', rispondi al tuo amico, non dobbiamo più vivere insieme?
Sii coraggioso. Rispondimi in fretta.
Non posso restare qui più a lungo.
Ascolta solo il tuo buon cuore.
Presto, dimmi se ti devo raggiungere.
Tuo per tutta la vita.

Rimbaud


Presto, rispondi: non posso restare qui oltre lunedì sera. Non ho ancora un penny ; non posso imbucare questa lettera. Ho affidato a Vermersch i tuoi libri e i tuoi manoscritti.

Se non devo più vederti mi arruolerò nella marina o nell'esercito.
Oh ritorna, ad ogni ora mi rimetto a piangere. Dimmi di venire da te, verrò. Dimmelo, telegrafa. - Devo partire lunedì sera. Dove vai? Che cosa vuoi fare?




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A VERLAINE

[5 luglio 1873]

Caro amico, ho ricevuto la tua lettera datata "in mare". Questa volta hai torto, e torto marcio. Prima di tutto non c'è nulla di positivo nella tua lettera: tua moglie non verrà, oppure verrà fra tre mesi, tre anni, che ne so? Quanto a schiattare, ti conosco. In attesa della tua donna e della morte andrai ovunque, ti agiterai, scoccerai la gente. Come mai tu, proprio tu, non hai ancora capito che le nostre collere erano false in ogni senso! Ma sei stato tu ad avere torto per ultimo, perché anche dopo che ti avevo richiamato hai insistito in quei tuoi falsi sentimenti. Tu credi che la tua vita sarà più piacevole con qualcun altro: riflettici - ah, no di certo! -
Solo con me puoi essere libero, e, poiché ti giuro che in futuro sarò gentile e che deploro la mia parte di torto, e che insomma ho lo spirito giusto, e ti voglio bene, se proprio non vuoi tornare, e non vuoi che ti raggiunga, commetti un crimine, e te ne pentirai PER ANNI E ANNI , con la perdite della tua libertà, e i dispiaceri più atroci di tutti quelli che hai provato finora. E poi, ripensa a quello che eri prima di conoscermi.
Quanto a me, da mia madre non ci torno. Andrò a Parigi, cercherò di partire entro lunedì sera. Mi avrai costretto a vendere i tuoi vestiti, non posso fare altrimenti. Non li ho ancora venduti: non verranno a prenderli prima di lunedì mattina. Se vuoi spedirmi le tue lettere a Parigi scrivi a L. Forain, 289, Rue St. Jacques, per A. Rimbaud. Avrà il mio indirizzo.
Certo, se tua moglie tornerà non ti comprometterò con le mie lettere - non ti scriverò mai.
L'unica mia parola è questa: torna, voglio stare con te, ti amo. Se l'ascolterai mostrerai di avere coraggio e di essere sincero.
Altrimenti, ti compiango.
Ma io ti amo, ti abbraccio, e ci rivedremo.


8 Great College ecc.

fino a lunedì sera, o martedì a mezzogiorno, se mi chiamerai da te.



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A VERLAINE

Lunedì, mezzogiorno [Londra, 7 luglio 1873]


Amico mio caro, ho visto la lettera che hai scritto alla sig. Smith.

[purtroppo ormai è tardi]
Dunque, vuoi tornare a Londra! Non immagini come saresti ricevuto da tutti! E la faccia che mi farebbero Andrieu e gli altri se mi rivedessero con te. Tuttavia sarò intrepido. Dimmi sinceramente qual è la tua idea. Vuoi ritornare a Londra per me? E in che giorno? È stata la mia lettera a consigliartelo? Ma nella stanza non resta più niente. - Ho venduto tutto, tranne un cappotto. Ne ho ricavato due sterline e dieci. Ma la biancheria è rimasta in lavanderia, e ho tenuto per me un sacco di cose: cinque panciotti, tutte le camicie, e mutande, colletti, guanti; e tutte le scarpe. I tuoi libri e manoscritti sono tutti al sicuro. Di venduto, insomma, ci sono i tuoi pantaloni, neri e grigi, un cappotto e un panciotto, la borsa e la cappelliera. Ma perché non scrivi a me?
Sì, ragazzo mio, resterò qui ancora una settimana. E tu verrai, vero? dimmi la verità. Daresti prova di coraggio. Spero che sia vero. Non dubitare di me, avrò un buonissimo carattere.

Tuo.

Ti aspetto.

Rimb.




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A ERNEST DELAHAYE

Stoccarda, 5 marzo [18]75


[ disegno]


Verlaine è arrivato qui l'altroieri, con un rosario tra le falangi… Tre ore dopo era stato rinnegato il suo dio e avevamo fatto sanguinare le 98 piaghe di N.S. E' rimasto due giorni e mezzo, molto ragionevole, e su mie rimostranze se ne è tornato a Parigi, per recarsi subito a finire gli studi, laggiù nell'isola
Mi resta soltanto una settimana di Wagner e deploro quel denaro messo a frutto che è l'odio, questo tempo perduto a far niente. Il 15 avrò una Ein freundliches Zimmer non so dove, e sto aizzando la lingua con frenesia, tanto e tanto che fra due mesi al massimo avrò finito.
Tutto è piuttosto inferiore qui, ne eccettuo un: Riesling, ti cui fuoto un picchiere ti fronte ai kolli ke l'hanno fisto nascere, alla tua salute imperbédueuse. Solicchia e gela, è sconciante.
(Dal 15 in poi, Fermo Posta a Stoccarda.)
Il tuo

Rimb.




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ALLA FAMIGLIA

[Stoccarda,] 17 marzo 1875


Miei cari parenti, non ho voluto scrivervi prima di avere il nuovo indirizzo. Oggi accuso ricevuta del vostro ultimo invio, di 50 franchi. Ecco lo schema per indirizzarmi la posta:


Wutemberg,
Monsieur Arthur Rimbaud
2, Marien Strasse, 3 tr.
STUTTGART


"3 tr." significa terzo piano.

Ho una camera grande, molto ben ammobiliata, al centro della città, per dieci fiorini, ossia 21 franchi e 50 cent., servizio compreso; e mi offrono la pensione completa per 60 franchi al mese: del resto, non ne ho bisogno: questi piccoli accomodamenti sono quasi sempre una schiavitù e un imbroglio, anche se possono apparire economici. Cercherò dunque di arrivare fino al 15 aprile con quello che mi resta (50 franchi) dato che allora mi occorrerà un altro acconto: infatti, o mi toccherà rimanere qui un altro mese, per mettermi bene in esercizio, oppure avrò fatto pubblicare qualche annuncio per trovare un lavoro, le cui conseguenze (es. un viaggio) richiederanno un po' di soldi. Mi auguro che tutto ciò vi appaia moderato e ragionevole. Sto cercando d'impregnarmi delle maniere di qui, in tutti i modo possibili cerco di erudirmi; benché siano di un genere da farci soffrire sul serio. Saluto l'esercizio, mi auguro che Vitalie e Isabelle stiano bene, per favore avvertitemi se volete qualcosa da qui, e sono il vostro devoto.

A. Rimbaud




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ALLA SORELLA ISABELLE

[Italia, primavera 1875]

[…]

Mi trovo in una bella vallata che mi porterà verso il Lago Maggiore e la vecchia Italia. Ho dormito nel cuore del Canton Ticino, in un fienile solitario dove ruminava una vacca ossuta, che acconsentì a cedermi un po' di paglia

[…]





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A ERNEST DELAHAYE

[Charleville,] 14 ottobre [18]75

Caro amico,
Ricevuta la postcard e la lettera di V. otto giorni fa. Per semplificare le cose, ho detto alla Posta di mandarmi il fermoposta a casa, quindi mi puoi scrivere qui se non hai ancora spedito nulla al fermo. Non commento le ultime grossolanità del Lodola, e per il momento non devo più attivarmi da quel lato, sembra infatti che la 2ª "porzione" del "contingente" della "classe 74" sarà chiamata il tre novembre prossimo venturo: la camerata di notte:


SOGNO

Tutti hanno fame nella camerata
È vero… Emanazioni, esplosioni.
Un genio: "Sono il gruviera!
- Lefêbvre: "Keller!"
Il genio: "Sono il Brie!
- I soldati si tagliano il pane:
È la vita!
Il genio: - "Sono il Roquefort!
- Sarà la nostra morte!...
- Sono il gruviera
e il Brie!... ecc.

VALZER

Ci hanno congiunti, io e Lefêbvre, ecc.



[…] Qui niente di niente.

Amo pensare che Petodilupo e i viscidi pieni di patriottici fagioli non ti permettano distrazioni più di quel che ti occorre. Almeno, tutto ciò non puzza di neve, come qui. Tuo "nella misura delle mie fragili forze". Scrivi:

A. Rimbaud

31, rue St-Barthélémy Charleville (Ardenne),
non c'è bisogno di dirlo


P.S. - La corrispondenza "in galanterie" arriva a questo, che il "Nèmery" aveva affidato i giornali del Loyola a un agente di polizia perché li portasse a me!




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ALLA FAMIGLIA

Genova, domenica 18 novembre [18]78


Amici,
arrivo a Genova stamattina, e ricevo le vostre lettere. Un qualsiasi posto per l'Egitto vale oro sonante, quindi non c'è nessun vantaggio. Partirò lunedì 19, alle nove di sera. Si arriva a fine mese.
Quanto al modo in cui sono venuto fin qui, è stato accidentato, e di tanto in tanto rinfrescato, dalla stagione. Sulla linea destra delle Ardenne in Svizzera, volendo raggiungere da Remiremont la coincidenza tedesca a Wesserling, ho dovuto attraversare i Vosgi; prima in diligenza, poi a piedi, dato che nessuna diligenza poteva circolare su cinquanta centimetri di neve in media, e con una notevole tormenta. Ma la prodezza prevista era il passaggio del Gottardo, che in questa stagione no n si valica più in vettura, e che non potevo dunque valicare in vettura.
Altdorf, sulla punta meridionale del lago dei Quattro Cantoni che avevamo costeggiato col vapore, ha inizio la strada del Gottardo. Ad Amsteg, a una quindicina di chilometri da Altdorf, la strada comincia a salire e a girare secondo il modulo alpestre. Non ci sono più vallate, ormai non si fa che dominare precipizi, di là dai paracarri decametrici della strada. Prima di giungere ad Andermat, si attraversa un posto particolarmente orrendo detto il Ponte del Diavolo, meno bello però della Via Mala dello Splügen, che avete nell'incisione. A Göschenen il villaggio è diventato un grosso borgo per l'afflusso degli operai, si vede in fondo al burrone l'apertura del famoso tunnel, con le attrezzature e i refettori delle imprese. D'altronde tutto questo paese d'aspetto così feroce è molto lavorato e lavorante. Se sul fondo al burrone non si vedono le trebbiatrici a vapore, si sentono un po'dappertutto la sega e il piccone delle invisibili alture. Va da sé che l'industria locale si esprime soprattutto sotto forma di pezzi di legno. Ci sono molti scavi di miniera. Gli albergatori vi offrono campioni di minerali più o meno curiosi, che il diavolo, dicono, viene a comprare sulla cima dei monti per andare a rivenderli in città.
Poi comincia la salita vera e propria, a Hospital, credo: prima è quasi una scalata, lungo le scorciatoie, poi per altopiani, o semplicemente sulla strada carrozzabile. Siccome bisogna sapere che non è possibile seguire quest'ultima nelle sue salite a zig-zag o per cengie molto lente, ci vorrebbe un'infinità di tempo, mentre a picco c'è soltanto un dislivello di 4900, per ogni lato, e anche meno di 4900 data l'altitudine dei dintorni. E neanche si sale a picco; ma bisogna seguire le vie consuete, se non proprio tracciate. Così, chi non è abituato allo spettacolo dei monti impara che una montagna è fornita di picchi, ma che un picco non è la montagna. Dunque la cima del Gottardo misura qualche chilometro di superficie.

La strada, non più larga di sei metri, è chiusa a destra, per tutta la sua lunghezza, da una massa di neve alta due metri circa, che allunga a ogni passo, sulla carreggiata, uno sbarramento alto un metro; bisogna fenderlo sotto un'atroce tormenta di nevischio. Ecco! Non ci sono più ombre, né sopra né sotto né intorno, benché siamo circondati da oggetti enormi; niente più strada, ne precipizi, ne il cielo ne il burrone: bianco, soltanto bianco, da pensare, da toccare, da vedere e da non vedere, perché è impossibile sollevare lo sguardo da quella noia bianca che si presume sia il centro del sentiero. Impossibile alzare il naso verso un vento così orripilante, ciglia e baffi ridotti a stalattiti, orecchie lacerate, collo gonfio. Senza l'ombra che siamo noi stessi, e senza i pali del telegrafo, che seguono la strada presunta, saremmo impicciati quanto un pierrot in un forno.
Ecco uno sbarramento alto più d'un metro, da tagliare per la lunghezza di un chilometro. Da un bel po' non vediamo le nostre ginocchia. È accaldante. Ansimanti, poiché in una mezz'ora la tormenta potrebbe seppellirci senza nessuno sforzo, ci incoraggiammo gridando (nessuno va mai da solo, soltanto a gruppi). Finalmente arriviamo a una casa cantoniera: paghiamo 1,50 per una scodella di acqua salata. In marcia. Ma il vento infuria, il sentiero si riempie visibilmente di neve. Ecco un convoglio di slitte, un cavallo stramazza semi- sepolto. Perdiamo la strada. Da che parte sarà rispetto ai pali del telegrafo? (I pali sono soltanto da una parte). Si devia, affondiamo fino alla cintola, fino alle ascelle… Dietro una trincea, un'ombra pallida: e l'ospizio del Gottardo, edificio ospedaliero civile, brutta costruzione d'abete e di pietra; e un piccolo campanile. Suoniamo, ci accoglie un giovanotto losco; andiamo su, in una sala bassa e sudicia dove si ha diritto gratis a pane e formaggio, minestra e grappino. Vediamo i bei cagnacci gialli dalla vicenda nota. Poco dopo, mezzi morti, arrivano i ritardatari della montagna. La sera siamo una trentina; e ci distribuiscono, dopo una minestra, su pagliericci duri e sotto coperte insufficienti. La notte sentiamo i nostri ospiti esalare in canti sacri il loro piacere di poter ancora derubare il governo, che sovvenziona quel tugurio.
Al mattino, dopo il pane-formaggio-grappino, e rinvigoriti da quella ospitalità gratuita, che ci è concesso prolungare quanto la tormenta lo consente, usciamo: al sole, adesso, la montagna è stupenda: caduto il vento, è tutto una discesa, per le scorciatoie, con salti, scivolate chilometriche, che vi trascinano giù, fino ad Airolo, dall'altra parte del tunnel, dove la strada riprende il suo carattere alpestre, circolare e strozzato, ma in discesa. E' il Canton Ticino.
La strada è coperta di neve fino a più di trenta chilometri dal Gottardo. Solo dopo trenta km, a Giornico, la vallata si allarga un po'. Qualche pergolato di vite, qualche praticello, accuratamente concimati con foglie e altri residui d'abete, che probabilmente hanno servito da strame. Sfilano capre, vacche e buoi grigi, maiali neri. A Bellinzona c'è un grosso mercato di questo bestiame. A Lugano, a venti leghe dal Gottardo, prendiamo il treno. Si va dal piacevole lago di Lugano al piacevole lago di Como. Poi, percorso normale. Sono il vostro, vi ringrazio, e fra una ventina di giorni avrete una lettera.

Il vostro amico

A. Rimbaud


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ALLA FAMIGLIA

Alessandria, [dicembre] 1878


Cari amici,
sono arrivato qui dopo una traversata di una decina di giorni, e da quindici mi dò da fare, ma solo adesso le cose cominciano ad andare un po' meglio! Avrò presto un impiego; e lavoro già abbastanza per vivere, però modestamente. Forse mi assumeranno in una grande impresa agricola a qualche chilometro da qui (ci sono già andato ma pare non ci sia niente prima di qualche settimana); - oppure entrerò fra poco nelle dogane anglo-egiziane, con un buon stipendio; - o magari credo che partirò prossimamente per Cipro, l'isola inglese, come interprete di un gruppo di lavoratori. Ad ogni modo mi daranno qualcosa, me l'anno promesso; e tratto con un ingegnere francese, - uomo cortese e intelligente.
[…] Presto vi manderò notizie particolareggiate, e descrizioni di Alessandria e della vita egiziana. Oggi non ho tempo. Vi dico arrivederci. Buongiorno a Frédéric, se è con voi. Qui fa caldo come a Roche l'estate.
Qualche notizia.

A.Rimbaud

Posta francese, Alessandria Egitto



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ALLA FAMIGLIA

Larnaca (Cipro) 15 febbraio 1879

[…]
Sono sorvegliante di una cava nel deserto, in riva al mare: costruiscono anche un canale. Bisogna poi caricare le pietre sui cinque bastimenti e sul vapore della Compagnia. Abbiamo anche un forno a calce, mattonificio ecc… Il villaggio più vicino è a un'ora di marcia. Qui abbiamo soltanto un caos di rocce, il fiume e il mare. C'è una casa sola. Niente terra, nessun giardino, neanche un albero. In estate, ottanta gradi. Adesso ce ne sono cinquanta. È l'inverno. A volte piove. Ci nutriamo di cacciagione, di galline ecc… Tutti gli europei si sono ammalati, io no. Qui siamo stati al massimo venti europei. I primi sono arrivati il 9 dicembre. Tre o quattro sono morti. Gli operai ciprioti vengono dai villaggi dei dintorni; ne abbiamo impiegati fino a sessanta al giorno. Io li dirigo: calcolo le giornate, dispongo del materiale, faccio i rapporti alla Compagnia, tengo i conti del vitto e delle altre spese; e preparo la paga; […]
Per me qui a Cipro ci sarà sempre lavoro. Stanno per fare ferrovie, forti, caserme, ospedali, porti, canali ecc… il 1° marzo saranno distribuite concessioni di terreno, senza altra spesa che la registrazione degli atti. Che succede da voi? Sareste più contenti se tornassi? Come vanno gli affarucci? Scrivetemi prestissimo.

Arthur Rimbaud

Fermo posta, Larnaca (Cipro)

Vi scrivo dal deserto, non so quando spedirò.




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ALLA FAMIGLIA

Larnaca (Cipro), 24 aprile 1879

[…]
Sono sempre capo-cantiere nella cave della Compagnia, e carico e faccio saltare e tagliare la pietra.
Il caldo è terribile. Falciamo il grano. Notte e giorno le pulci sono un supplizio atroce. E anche le zanzare. Bisogna dormire nel deserto, in riva al mare. Ho avuto beghe con gli operai, sono stato costretto a chiedere armi.
Spendo molto. Il 16 maggio saranno cinque mesi che sono qui.
[…]

A. Rimbaud

Fermo posta, Larnaca (Cipro)




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ALLA FAMIGLIA


Monte Troodos (Cipro), domenica 23 maggio 1880


Scusatemi se non vi ho scritto prima, forse avreste avuto bisogno di sapere dov'ero, ma fino ad oggi mi è stato davvero impossibile farvi avere notizie.
In Egitto non ho trovato niente da fare, e circa un mese fa sono andato a Cipro. Qui ho scoperto che la società dei miei vecchi padroni è fallita. Però una settimana dopo ho avuto il posto che occupo tuttora: sono sorvegliante del palazzo che stanno costruendo per il governatore generale, in cima al Troodos, la montagna più alta di Cipro (2100 metri).
[…]
Da quindici giorni mi pagano, ma le spese sono molte: c'è sempre da viaggiare a cavallo; i trasporti sono estremamente difficili, i villaggi lontani, il vitto costoso. Inoltre, mentre in pianura c'è un gran caldo, a questa altitudine abbiamo, e avremo ancora per un mese, un freddo sgradevole; pioggia, grandine, e un vento che ti scaraventa a terra. Mi sono dovuto comprare materasso, coperte, cappotto, stivali ecc. ecc.
Sulla cima della montagna c'è un accampamento dove fra poche settimane arriveranno le truppe inglesi, quando in pianura farà troppo caldo e in montagna meno freddo. Allora il servizio delle provvigioni sarà assicurato. Dunque, adesso sono al servizio dell'amministrazione inglese: spero che presto mi aumentino lo stipendio.
[…]
Sto male; ho delle palpitazioni al cuore che mi danno fastidio. Meglio non pensarci. Del resto che cosa potrei fare? Eppure qui l'aria è sanissima. Sulla montagna c'è una profusione di abeti e felci.
[…]
Vostro

Arthur Rimbaud

Fermo posta, Limassol (Cipro)




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ALLA FAMIGLIA

Aden, 25 agosto 1880


Cari amici, recentemente in una lettera vi ho spiegato come purtroppo abbia dovuto abbandonare Cipro e come sia venuto qui, dopo aver navigato sul Mar Rosso.
Lavoro nell'ufficio di un commerciante di caffè. L'agente della Compagnia è un generale in pensione. Facciamo affari discreti, e ne faremo ancora. Io non guadagno molto, non più di sei franchi al giorno.
[…]
Aden è una rocca orrenda, senza un filo d'erba né una goccia d'acqua potabile: qui si beve acqua di mare distillata. La calura è fortissima, soprattutto a giugno e a settembre, che sono le due canicole. La temperatura costante, giorno e notte, in un ufficio molto fresco e ventilato, è di 35 gradi. Tutto è carissimo e via dicendo. Ma, non c'è ma: qui sono quasi prigioniero, e di certo dovrò restarci almeno tre mesi prima di essere un po' in gamba o di trovarmi un posto migliore.
E a casa? È finita la mietitura?
Raccontatemi le vostre novità.

Arthur Rimbaud



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ALLA FAMIGLIA


Aden, 22 settembre 1880


[…]

Siccome sono l'unico impiegato un po' intelligente di Aden, allo scadere del secondo mese, ovvero il 16 ottobre, se non mi daranno duecento franchi al mese liberi da spese, me ne andrò. Preferisco andarmene piuttosto che farmi sfruttare. Del resto ho già in tasca circa 200 franchi. Forse andrò a Zanzibar, dove da fare ce n'è. Anche qui d'altronde c'è molto da fare. Parecchie società commerciali hanno intenzione di stabilirsi sulle coste dell'Abissinia. L'azienda ha anche delle carovane in Africa; e non è escluso che me ne vada da quelle parti, dove guadagnerei bene e dove mi annoierei un po' meno che ad Aden, che è, lo riconoscono tutti, il posto più noioso della terra, subito dopo quello abitato da voi, ovviamente.
[…]

Rimbaud

Ditta Viannay, Bardey e C., Aden




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ALLA FAMIGLIA

Aden, 2 novembre 1880


Cari amici, sarò ancora qui per un po' di tempo, benché sia stato assunto per un altro posto, dove presto mi dirigerò. L'agenzia ha fondato una filiale nell'Harar, regione che troverete sulla carta nel sud-est dell'Abissinia. Da lì si esportano caffè, pelli, gomma ecc. in cambio di cotonerie e altre merci. Il paese è salubre e fresco per via dell'altitudine. Non ci sono strade e quasi nessuna possibilità di comunicazione. Da Aden si arriva all'Harar: prima via mare, da Aden a Zeilah, porto della costa africana; poi, fino all'Harar in venti giorni di carovana.
[…]

Rimbaud




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ALLA FAMIGLIA


Harar, 13 dicembre 1880


Amici, sono arrivato in questo paese dopo venti giorni di cavalcate attraverso il deserto somalo. Harar è una città colonizzata dagli egiziani e dipende dal loro governo. C'è una guarnigione di parecchie migliaia di uomini. Qui si trovano la nostra agenzia e i nostri magazzini. I prodotti commerciali del posto sono il caffè, l'avorio, le pelli ecc. Benché ad un'altitudine elevata, la regione non è improduttiva. Il clima è fresco e non malsano. Le merci europee vengono importate tutte a dorso di cammello. Del resto c'è molto da fare. Qui una posta regolare non esiste. Siamo costretti a mandare le lettere ad Aden, sfruttando le rare occasioni. Ci vorrà molto prima che questa lettera vi arrivi.
[…]
Qui sono nel Gallas. Credo che fra poco mi spingerò all'interno. Vi prego di farmi avere vostre notizie il più presto possibile.

[…]





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ALLA FAMIGLIA

Harar, 15 febbraio 1881

[…]

Datemi notizie sui lavori per il canale di Panama: non appena saranno iniziati, vi andrò. Anzi sarei felice se potessi andarmene da qui anche subito. Mi sono beccato una malattia poco pericolosa in sé; ma qui il clima è traditore per qualsiasi tipo di malattia. Una ferita non si cicatrizza mai. Un taglietto di un millimetro al dito suppura mesi e mesi, e va in cancrena molto facilmente. E l'amministrazione egiziana, peraltro, ha medici e medicine insufficienti. Il clima, d'estate, è umidissimo; è malsano; e a me non piace affatto, troppo freddo per i miei gusti.
Non dovete pensare che questo paese sia interamente selvaggio. Abbiamo un esercito - artiglieria, cavalleria - egiziano, e la loro amministrazione. È tutto uguale a quello che c'è in Europa, solo: qui c'è un mucchio di cani e banditi. Gli indigeni sono Gallas, tutti agricoltori e pastori: gente tranquilla, finché non viene attaccata.

Rimbaud




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ALLA FAMIGLIA

Harar, 4 maggio 1881


Cari amici, da voi è estate, e qui è inverno, intendo dire che fa abbastanza caldo, ma piove spesso. Ne avremo per qualche mese.
Fra sei mesi ci sarà il raccolto del caffè.
Quanto a me, conto di andarmene fra non molto da questa città, per recarmi a trafficare nell'ignoto. A qualche giornata da qui c'è un grande lago, è in una regione ricca d'avorio: vorrei arrivarci. Ma dev'essere un paese ostile. Comprerò un cavallo e me ne andrò. Se le cose si mettessero male, se ci lasciassi la pelle, vi avverto che c'è una somma di 7 volte 150 rupie di mia proprietà all'agenzia di Aden, e potreste recuperarle, se vi sembrerà che ne valga la pena.

[…]

Indirizzate all'agenzia di Aden.

State bene. Addio.

A. Rimbaud




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ALLA FAMIGLIA

Harar, 7 novembre [18]81

[…]

Qualsiasi cosa succeda, provo piacere nel pensare che i vostri affarucci vadano bene. Se ne avete bisogno prendete quel che è mio: è vostro. Quanto a me, al mondo non ho una sola persona di cui occuparmi, tranne la mia propria persona, che non chiede niente.
Pienamente vostro

Rimbaud





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ALLA FAMIGLIA

Aden, 10 maggio 1882

[…]
Rassicuratevi sul mio conto: la mia situazione non ha nulla di straordinario. Sono sempre impiegato nella stessa azienda, e sgobbo come un mulo in un paese che m'ispira un orrore invincibile. Sbatto la testa contro i muri per tentare di uscire di qui e di ottenere un impiego più ricreativo. Spero proprio che questa esistenza finirà prima che io abbia avuto il tempo di diventare completamente idiota.
[…]




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ALLA FAMIGLIA


Harar, 6 maggio 1883

[…]
Ho rinnovato il mio contratto per tre anni, ma credo che l'azienda chiuderà presto i battenti perché le entrate non coprono le spese. Ad ogni modo, è inteso che il giorno in cui mi manderanno via mi daranno tre mesi di stipendio come indennità. Alla fine di quest'anno avrò tre anni di servizio nella ditta.
Isabelle fa male a non sposarsi se si presenta qualcuno di serio e istruito, qualcuno con un avvenire. Questa è la vita, e la solitudine quaggiù è una gran brutta cosa. Quanto a me, rimpiango di non essere sposato e di non avere una famiglia. Ma adesso sono condannato ad errare, legato a un'impresa lontana, e di giorno in giorno perdo l'inclinazione per il clima e la maniera di vivere e perfino la lingua d'Europa! Purtroppo! a che servono tutte queste peregrinazioni, e questi sbattimenti e queste avventure presso popoli strani, e queste lingue di cui ci si riempie la memoria, e questi affanni senza nome, se non mi è concesso di potermi riposare un giorno, dopo qualche anno, in un luogo che suppergiù mi piaccia, e trovare una famiglia, e avere almeno un figlio…
[…]
Mi parlate di notizie politiche. Se sapeste quanto mi è indifferente tutto questo! Da più di due anni non ho aperto un giornale. Ormai queste discussioni mi sono incomprensibili. Come i mussulmani so che succede quel che succede, ed è tutto.
[…]
Queste fotografie mi rappresentano, l'una in piedi sulla terrazza della casa, l'altra in piedi nel giardino d'un caffè; un'altra ancora a braccia conserte in un giardino di banani. Però sono diventate chiarissime, per via delle pessime acque che mi servono al lavaggio. Ma in futuro migliorerò. Queste servono soltanto per ricordarvi la mia faccia, e darvi un'idea dei paesaggi di qui.
Arrivederci.

Rimbaud

Ditta Mazeran, Viannay e Bardey Aden




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ALLA FAMIGLIA


Aden, 5 maggio 1884


Amici miei, come sapete la nostra società è interamente liquidata, e l'agenzia di Harar, che dirigevo, è soppressa; anche quella di Aden è stata chiusa. Il passivo della Compagnia in Francia è, a quanto mi dicono, di quasi un milione; […]
Attualmente sono disoccupato, benché alloggi ancora nel vecchio edificio della Compagnia, affittato fino alla fine di giugno. […]
Non ho la minima idea di dove mi troverò fra un mese. Ho con me dodici o tredicimila franchi, e siccome qui è impossibile affidare qualcosa a chicchessia, si è costretti a trascinarsi dietro il proprio peculio, e a sorvegliarlo perpetuamente. E questo denaro, che potrebbe darmi una piccola rendita, sufficiente a farmi vivere senza lavoro, non mi frutta altro che seccature continue!
Che esistenza desolante la mia, in questi climi assurdi e in queste condizioni insensate! […]
Non posso darvi un indirizzo per rispondermi perché personalmente ignoro dove potrei essere trascinato fra non molto, e su quali strade, e dove, e per che cosa, e come!
E' possibile che gli inglesi occupino prossimamente Harar, ed è possibile che io vi ritorni. Là si potrebbe metter su un piccolo commercio; potrei forse acquistare giardini e qualche piantagione, e tentare di vivere così.
[…]
Dunque la mia vita qui è un vero incubo. Non mettetevi in testa che io me la goda. Mi rendo conto di continuo che non è possibile vivere più stentatamente di me. […]
Sono condannato a vivere ancora per molto tempo, forse per sempre, in questi posti, dove ormai sono conosciuto, e dove potrei trovar lavoro in qualsiasi momento; mentre in Francia sarei uno straniero, e non troverei nulla.
Insomma, speriamo bene.
Salute prospera.

Arthur Rimbaud

Fermo posta, Aden-Camp Arabia




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ALLA FAMIGLIA

Aden, 10 settembre 1884


[…]

credo che la penserete come me: dal momento che qui mi guadagno da vivere, e dato che ogni uomo è schiavo di questa miserabile fatalità, ad Aden o altrove, meglio tutto sommato restare ad Aden: altrove sono uno sconosciuto, mi hanno completamente dimenticato
[…]

Rimbaud





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ALLA FAMIGLIA

Aden, 15 gennaio 1885


[…]
Non vi mando la mia fotografia: evito con cura ogni spesa inutile. E poi sono sempre mal vestito; qui ci si può vestire soltanto di cotonine leggere; la gente che ha passato qualche anno qui non può più trascorrere l'inverno in Europa, morirebbe subito per una qualche flussione del petto. Dunque, se ritorno, sarà per un'estate; e l'inverno sarò costretto a scendere verso il Mediterraneo, almeno. E comunque non pensate che il mio umore si farebbe meno vagabondo, al contrario, se trovassi il modo di viaggiare senza essere costretto a fermarmi per lavorare e guadagnarmi da vivere, non mi vedrebbero mai due mesi nello stesso posto. Il mondo è vasto e pieno di magnifiche contrade, che l'esistenza di mille uomini non basterebbe a visitare.
[…]
Troverò sempre che vivere nello stesso posto è molto triste. Insomma, è molto probabile, nella vita, che facciamo quel che non vorremmo fare, e che andiamo dove non vorremmo andare, e che viviamo e decidiamo in modo assolutamente diverso da quello che vorremmo, e senza speranza di alcuna specie di compenso
[…]

Rimbaud




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ALLA FAMIGLIA

Aden, 22 ottobre 1885


Cari amici, quando riceverete questa lettera probabilmente sarò a Tadjura, sulla costa del Dankali annessa alla colonia di Obock.
Ho lasciato l'impiego di Aden dopo una violenta discussione con quegli ignobili ingrati che pretendevano d'abbrutirmi per sempre. Ho reso molti sevizi a quella gente, e pensavano che sarei rimasto con loro tutta la vita, per farli contenti. Hanno cercato di trattenermi in tutti i modi, ma li ho mandati al diavolo con i loro vantaggi e il loro commercio, e la loro tremenda ditta e la loro sporca città!
[…]
Dall'Europa mi sta arrivando qualche migliaio di fucili. Metterò su una carovana, e porterò queste merci a Menelik, re dello Scioa. La strada per lo Scioa è lunghissima: due mesi di marcia o quasi fino ad Ankober, la capitale; i paesi che si attraversano per arrivare fin lì sono deserti atroci
[…]

Rimbaud




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ALLA FAMIGLIA


Tadjura, 3 dicembre 1885


Miei cari amici, mi trovo qui per formare la carovana per lo Scioa. Le cose vanno per le lunghe, come al solito; ma insomma, spero di poter partire verso la fino di gennaio 1886.
[…]
Il Tadjura è annesso da un anno alla colonia francese di Obock. E' un piccolo villaggio dankal con qualche palmizio e qualche moschea. C'è un forte, costruito tempo fa dagli egiziani, e dove adesso dormono sei soldati francesi agli ordini di un sergente, comandante del posto. Hanno lasciato alla legione il suo piccolo sultano e la sua amministrazione indigena. E' un protettorato. Il commercio principale è la tratta degli schiavi.
[…]
Adesso non mettetevi a credere che sia diventato commerciante di schiavi! Le merci importate da noi sono fucili (vecchi fucili a stantuffo in disuso da 40 anni) che dai venditori di armi usate, a Liegi o in Francia, valgono 7, al massimo 8 franchi al pezzo. Al re dello Scioa, Menelik II, le venderemo a una quarantina di franchi. Ma ci sono spese enormi là sopra, senza parlare dei pericoli della strada, andata e ritorno. Le genti che troviamo per la strada sono i Dankali, pastori beduini, mussulmani fanatici: sono temibili. E' vero che noi abbiamo armi da fuoco e i beduini hanno soltanto le loro lance: ma tutte le carovane vengono assalite.
[…]

A. Rimbaud

Hôtel dell'Universo, Aden



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ALLA FAMIGLIA

Il Cairo, 23 agosto 1887


Miei cari amici, il viaggio in Abissinia è finito.
[…]
E comunque non posso tornare in Europa per diversi motivi: prima di tutto, d'inverno morirei; poi mi sono troppo abituato alla vita errante e autonoma; infine, non ho una possibilità di lavoro.
Dovrò dunque trascorrere il resto dei miei giorni vagando fra stenti e privazioni, con l'unica prospettiva di morire sulla breccia.
Qui non mi fermerò a lungo: non ho lavoro e tutto è troppo caro. Dovrò tornare, per forza, dalle parti del Sudan, dell'Abissinia o dell'Arabia. Forse potrei andare a Zanzibar, da dove è possibile fare lunghi viaggi in Africa; o forse in Cina, in Giappone, chissà?
Insomma, mandatemi vostre notizie. Vi auguro pace e bene. Affettuosamente vostro

Arthur Rimbaud

Fermo posta, Il Cairo (Egitto)



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A ILG

Harar, 7 [settembre] 1889

[…] Il re Menelik (da dove gli è venuta questa maledetta idea) ha scritto, un mese fa circa, di raccogliergli un'imposta straordinaria di centomila talleri! - Dicono che abbia ordinato di estorcere la somma in tutte le maniere possibili, ha perfino aggiunto di farsi dare denaro in prestito dagli europei promettendo di restituirlo sui fondi che dovrebbe, o non dovrebbe, portare il Dediàsc Makonnen. - Da quando è arrivato quest'ordine si assiste a uno spettacolo di cui il paese non era mai stato testimone finora, né al tempo degli emiri, né a quello dei turchi: una tirannia orribile, odiosa, che disonorerà per molto tempo il nome degli Amhara in genere, in tutte queste regioni, su tutte le coste, - disonore che sicuramente ricadrà sul nome del Re.
Da un mese a questa parte sequestrano, bastonano, espropriano, imprigionano la gente in città per estorcer loro più denaro possibile. Ogni abitante ha già pagato tre o quattro volte. Tutti gli europei, assimilati ai mussulmani, sono inclusi in questa tassa. A me hanno chiesto 200 talleri e ne ho pagati la metà, ma credo che mi estorceranno anche gli altri 100 talleri
[…]

Rimbaud



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ALLA MADRE


Harar, 21 aprile 1890


Mia cara madre, ricevo la tua lettera del 26 febbraio
[…]
Per quanto mi riguarda, purtroppo, non ho il tempo di sposarmi né di guardare gli altri sposarsi. Mi è assolutamente impossibile, e a scadenza indefinita, allontanarmi dai miei affari. Se uno s'impantana negli affari in questi maledetti paesi non ne esce più.
Sto bene, però mi s'imbianca un capello al minuto. Se continua così temo che fra poco la mia testa diventi una specie di piumino incipriato. E' desolante questo tradimento del cuoio capelluto: ma che farci?
Affettuosamente vostro

Rimbaud



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ALLA FAMIGLIA

Harar, 20 febbraio 1891


Cara mamma, sì, ho ricevuto la tua lettera del 5 gennaio.
Vedo che da voi va tutto bene, tranne per il freddo che, stando a quel che leggo sui giornali, è eccessivo un po' ovunque in tutta Europa.
Adesso sto male. Ossia, ho alla gamba destra qualche varice, che mi fa soffrire molto. Ecco quel che si guadagna a penare in questi tristi paesi! E le varici sono complicate dai reumatismi. Eppure qui non fa freddo; ma non è stato il clima la causa di tutto ciò. Sono quindici giorni che non chiudo occhio per via dei dolori a questa maledetta gamba. Me ne andrei volentieri e credo che il gran caldo di Aden mi farebbe molto bene, ma qui mi devono parecchi soldi e non posso partire, perché li perderei di sicuro. Ho fatto chiedere se c'è ad Aden una calza per varici, ma ne dubito.
Dunque fammi un favore per piacere: comprami una calza da varici, per una gamba lunga e magra - (calzo il n° 41). Bisogna che la calza salga sopra il ginocchio perché ho una varice più su del poplite. Le calze per varici sono di cotone, oppure di seta intessuta con fili elastici che sostengono le vene gonfie. Quelle di seta sono le migliori, le più robuste. Non credo costino molto. E comunque ti rimborserò. Intanto terrò la gamba fasciata.
[…]
Questa infermità me la sono procurata con gli eccessivi sforzi, sia a cavallo sia nelle marce faticose. In questi paesi abbiamo un dedalo di montagne scoscese su cui non si può andare neanche a cavallo. E senza strade, e perfino senza sentieri.
Le varici non comportano pericoli per la salute, però precludono ogni esercizio fisico violento. Il fastidio è grande perché producono piaghe se non si portano le calze per varici; ma non basta! le gambe nervose non tollerano volentieri la calza, specie di notte. E con tutto ciò ho un dolore reumatico a questo maledetto ginocchio destro che è una tortura, perché mi assale solo la notte!
[…]
Nella vostra risposta ditemi qualcosa di preciso sul servizio militare. Devo fare qualcosa? Informatevi bene, e rispondetemi.

Rimbaud




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ALLA MADRE

Aden, 30 aprile 1891


Cara mamma, sì, ho ricevuto le due calze e la lettera, e le ho ricevute in circostanze ben tristi. Vedendo che il gonfiore al ginocchio destro aumentava sempre, come il dolore nell'articolazione, e poiché non trovavo nessun rimedio e nessun parere medico […] ho preso in affitto sedici portatori negri, per 15 talleri l'uno, da Harar a Zeilah. Inutile dirvi le sofferenze orribili che ho dovuto subire lungo tutta la strada. Non mi è mai stato possibile fare un passo fuori dalla barella, il ginocchio si gonfiava a vista d'occhio e il dolore non faceva che aumentare.
Giunto qui, sono entrato nell'ospedale europeo. C'è una camera sola, per i malati a pagamento: la occupo io. Il medico inglese, quando gli ho mostrato il mio ginocchio, si è messo a gridare che era una sinovite arrivata ormai a un punto pericolosissimo, per via della mancanza di cure e degli strapazzi. Ha immediatamente parlato di tagliare la gamba. Poi ha deciso di aspettare qualche giorno per vedere se dopo le cure il ginocchio non accennasse a sgonfiarsi un po'. […]
Secondo me l'origine è negli sbattimenti delle marce a piedi e a cavallo all'Harar. […]
Sono steso con la gamba bendata, legata, rilegata, incatenata in modo che non posso più neanche muovermi. Sono diventato scheletrico da far paura. La mia schiena è piena di scorticature da decubito; non dormo neanche un minuto. E qui il caldo è diventato pesantissimo.
[…]
Voglio farmi portare fino a un piroscafo e venire a farmi curare in Francia, il viaggio mi aiuterebbe a far passare un po' il tempo. In Francia le cure mediche e le medicine sono a buon prezzo e l'aria è buona, quindi è molto probabile che venga.
[…]

Rimbaud

P.S. - Quanto alle calze sono inutili, le rivenderò a qualcuno.




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TELEGRAMMA ALLA MADRE


Marsiglia [22 maggio 1891]


Presentato alle 2 e 50 del mattino Oggi tu o Isabelle, venite Marsiglia con treno espresso. Lunedì mattina mi amputano la gamba. Pericolo di morte. Affari seri da sistemare. Arthur. Ospedale Conception. Rispondete.
Rimbaud



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A ISABELLE

Marsiglia, 10 luglio 1891

[…]

Sono sempre alzato, ma non mi sento bene. Finora ho imparato a camminare con le stampelle, e mi è ancora impossibile salire o scendere un solo gradino. In questo caso sono costretti a farmi salire o scendere prendendomi in braccio. Mi sono fatto fare una gamba di legno molto leggera, verniciata e imbottita, fatta benissimo (prezzo: 50 franchi). Qualche giorno fa me la sono messa e ho cercato di trascinarmi sollevandomi ancora sulle stampelle, ma il moncone si è infiammato e ho buttato via il maledetto strumento.
[…]
Dunque ricomincio a servirmi delle stampelle. Che noia, che fatica, che tristezza, se penso a tutti i miei viaggi, a com'ero attivo non più di cinque mesi fa! Dove sono le corse attraverso i monti, le cavalcate, le passeggiate, i deserti, i fiumi, i mari?
[…]
Nel frattempo preferisco credere che le cose andranno meglio, come voi fate in modo che io creda: per quanto stupida sia la sua esistenza, l'uomo le resta sempre attaccato. Mandatemi la lettera dell'intendenza. Alla mia tavola, per l'appunto, c'è un ispettore di polizia malato che mi secca sempre con le sue storie di servizio, e si prepara a farmi qualche brutto tiro.
Perdonatemi se vi ho disturbate, vi ringrazio, vi auguro buona fortuna e buona salute.
Scrivetemi.

Vostro

Rimbaud



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A ISABELLE

Marsiglia, 15 luglio 1891


[...]
Passo notte e giorno a riflettere sui possibili sistemi per muovermi: è una vera tortura! Vorrei fare questo e quello, andare qua e là, vedere, vivere, partire: impossibile! impossibile almeno per molto tempo, forse per sempre! Non vedo, accanto a me, che queste maledette stampelle: senza questi bastoni non posso fare neanche un passo, non posso esistere. Senza le contorsioni più atroci non posso nemmeno vestirmi. Ormai riesco quasi a correre, con le mie stampelle, ma è impossibile salire o scendere le scale, e se il terreno è irregolare, il dislivello fra una spalla e l'altra è molto faticoso. Ho una nevralgia fortissima al braccio e alla spalla destra, e nonostante questo una stampella che mi sega sotto il braccio, - e un dolore nevralgico anche alla gamba sinistra, e tuttavia mi tocca fare tutto il giorno l'acrobata per avere l'aria di esistere.
[…]
Se qualcuno fosse nella mia stessa situazione e mi consultasse gli direi: è arrivato fino a questo punto ma non si lasci mai amputare. Si faccia maciullare, straziare, fare a pezzi, ma non accetti di essere amputato. Se viene la morte, sarà meglio della vita con degli arti in meno. Molti hanno fatto così, e se dovessi ricominciare lo farei anch'io. Soffrire un anno intero come un dannato, piuttosto che accettare l'amputazione.
Ecco il gran risultato: sono seduto, e ogni tanto mi alzo per saltellare un centinaio di passettini sulle mie stampelle, poi torno a sedermi. Le mie mani non possono tenere nulla. Mentre cammino non posso distogliere il viso dal mio unico piede e dalla punta delle mie stampelle. La mia testa e le mie spalle s'inclinano in avanti, e la schiena s'incurva come un gobbo. Tremate al vedere persone e oggetti muoversi intorno a voi, per il terrore che vi scaraventino a terra facendovi spezzare l'altra zampa. Sghignazzano a vederti saltellare. Tornato a sedere, hai le mani irritate e la faccia di un idiota. Ti riprende la disperazione e rimani seduto nella perfetta impotenza, piagnucolando e aspettando la notte, che riporterà la perpetua insonnia e il mattino più triste ancora del giorno che lo ha preceduto ecc. ecc. Il seguito alla prossima puntata.
Con tutti i miei auguri.

Rimbaud




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AL DIRETTORE DELLE MESSAGGERIE MARITTIME

Marsiglia, 9 novembre 1891


UN LOTTO: UN SOLO DENTE

UN LOTTO: DUE DENTI

UN LOTTO: QUATTRO DENTI


Signor Direttore,
Le voglio chiedere se, a suo avviso, non ho lasciato niente. Oggi desidero cambiare questo servizio, di cui non conosco nemmeno il nome, ma voglio ad ogni modo che sia il servizio di Aphinar. Tutti questi servizi sono lì dappertutto ed io, impotente, infelice, non posso trovare niente, il primo cane per strada glielo potrà dire. Mi mandi dunque i prezzi del servizio di Aphinar a Suez. Io sono completamente paralizzato: quindi desidero trovarmi a bordo di buon mattino. Mi dica a che ora devo essere trasportato a bordo…












DIARIO DI VITALIE

Vitalie, la sorella / the sister

Nata nel 1858 - di quattro anni, dunque, più giovane del fratello - Vitalie Rimbaud doveva morire appena diciassettenne di una "sinovite al ginocchio". Nell'estate del 1874 si recò con la madre a Londra dove il fratello, che si trovava lì dal 25 marzo con Germain Nouveau, si era forse ammalato. Riportiamo il primo dei tre quaderni (di cui esistono varie versioni in parte riviste da Isabelle) che ci consente di conoscere la vita londinese di Arthur Rimbaud e i suoi rapporti "normali" con la famiglia. La prima parte, di 24 fogli, contiene infatti le note sul soggiorno a Roche fra l'aprile e il settembre 1873; la seconda, di 10 fogli, contiene i ricordi di Vitalie sul viaggio a Londra. Questo quaderno ha 14 fogli allegati, in formato diverso, scritti a matita e a inchiostro. Si tratta delle note fissate giorno per giorno durante il viaggio.



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DAL 5 AL 9 LUGLIO 1874


~ Poiché desidero conservare le impressioni del mio viaggio in Inghilterra, le trascriverò su questo quaderno. Il 5 luglio 1874 ci siamo alzate molto presto; l'omnibus doveva venire a prenderci per portarci alla ferrovia alle sei e mezzo. Mia madre e io abbiamo accompagnato mia sorella Isabelle ieri alle otto di sera al Santo Sepolcro dove deve restare come pensionante fino al ritorno dal nostro viaggio. Nel separarmi dalla mia amata sorella, lacrime brucianti mi sfuggirono dagli occhi; [...] Una vettura si ferma davanti alla porta; è quella che deve venire a prenderci per condurci al treno; saliamo e, pochi minuti dopo, ci deposita alla stazione dove prendiamo subito posto in uno scompartimento. Finalmente scendiamo a Valenciennes. Cominciavamo a essere stanche, ma un po' di movimento ci rinfrancherà, abbiamo qualche ora a nostra disposizione per visitare la città. Risaliamo sul treno che ci porterà a Calais, dove dobbiamo prendere il battello per Dover. Finalmente ecco Calais; cerco di distinguere il mare attraverso le ombre, ma non riesco a vederlo, è troppo buio. Saliamo sul battello per una specie di scala; ci divertiamo a guardare le macchine e gli strumenti di ogni genere che si trovano qui e là, poi andiamo nelle cabine. Graziosa cameretta quella dove ci troviamo, rischiarata da una lampada coperta da una boccia di vetro smerigliato, che produce una luce smorta. Siamo le sole signore qui; c'è solo un olandese e una decina di inglesi. Risaliamo sul ponte, perché non c'è aria in queste cabine. Mettendo piede sul ponte sono colpita dall'aspetto di tutto quello che mi circonda; sono circa le due e mezzo del mattino, il giorno comincia a spuntare; nel cielo brillano solo poche stelle perdute nell'immensità dei cieli. I miei occhi non hanno mai incontrato ciò che osservano in questo momento; mai un simile spettacolo si presentato alla mia vista: niente e tutto in questa immensità solenne del mare; il mare che avevo sempre visto con l'immaginazione non era bello come questo; sono rimasta a guardarlo molto a lungo senza dire nemmeno una parola, senza fissare alcun pensiero.




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DIARIO DI VITALIE, DAL 5 AL 9 LUGLIO 1874

Le coste dell'Inghilterra si offrono ben presto alla nostra vista; sono coperte di un qualcosa di bianco-giallo simile allo zolfo; dev'essere il mare che produce quest'effetto. Sembrano avvicinarsi a noi mentre siamo noi che andiamo verso di loro; di minuto in minuto scorgiamo sempre più visibili forti e caserme sulle alture che si innalzano davanti a noi. Finalmente eccoci arrivati; sono le tre e mezzo del mattino; occupiamo il tempo che ci resta fino alle sei, momento della partenza, a visitare un po' Dover, la prima città inglese che vedo. Le case hanno un bell'aspetto, molto ordinate e costruite in modo regolare; le strade larghe e spaziose. Al momento di salire in vettura, quale non fu la nostra sorpresa vedendo tutti gli scompartimenti illuminati; ben presto veniamo informate: da Dover a Londra dobbiamo passare sotto sei tunnel; [...]Guardo sempre in lontananza e l'orizzonte che fugge mi fa vedere sempre nuove città e mi dicevo sempre: E' forse Londra, Londra la destinazione del nostro viaggio, l'oggetto dei nostri stupori e delle nostre sorprese? La ferrovia corre da molto tempo in una zona dove si vedono solo abitazioni, da molto tempo ci stupiamo di non vedere più campi o prati; senza sosta case; infine apprendiamo, oh sorpresa! che viaggiamo dentro Londra... Eccoci arrivate alla stazione di Charing-Cross, alle dieci e dieci. Eccoci nella capitale dell'Inghilterra, la città più grande e più popolata d'Europa. Non racconterò l'emozione e lo stupore che provai arrivando a Londra, vedendo quella folla sconosciuta di persone di ogni genere, considerando quegli edifici enormi e immensi in cui ci trovavamo: non ci riuscirei mai, perché non so nemmeno esattamente quello che provai quando mio fratello Arthur, che ci aspettava alla stazione e che ritrovammo con grande piacere, ci condusse in alcune strade vicine per permetterci di dare un'occhiatina intorno a noi: era un'emozione profonda e una specie d'inquietudine vedere uno spettacolo così nuovo e strano per me; un rumore continuo, delle vetture che continuamente s'incrociavano mille volte, fra le quali bisognava passare ogni momento; un'infinità di persone che andavano e venivano molto in fretta, case fatte in modo diverso che in Francia; negozi e commercianti di merci di ogni tipo, a me sconosciute fino a quel momento. Eravamo molto stanche e tuttavia, dopo aver lasciato in un alloggio molto confortevole i nostri bauli, non potemmo resistere al desiderio di vedere qualcosa il giorno stesso del nostro arrivo, e in due ore percorremmo alcune strade e un parco di cui parlerò più avanti; rientrammo molto stanche e andammo a letto presto per ritemprare il più presto possibile la nostra fatica, che non doveva, già all'indomani, impedirci di cominciare le nostre escursioni. 7 luglio Andata al mercato, scrivo a Isabelle. Arthur ci ha portate a vedere il Parlamento. Che capolavoro! E' un immenso edificio, con un'architettura fine e frastagliata; da ogni lato s'innalza una torre quadrata, dorata sulle sculture. - Visto il palazzo del duca di Northumberland; è molto antico, era completamente chiuso. - Visto il teatro reale dell'Alhambra su una piazza magnifica in mezzo alla quale si innalza la statua di Shakespeare; ha come piedistallo un immenso blocco di marmo bianco; attorno alla statua, su quel marmo, si trovano sei pescecani anch'essi in marmo bianco, dalla cui testa escono dei getti d'acqua. Su quella piazza di accalcava una quantità folle di gente. Quel giorno Arthur ci ha portate in una casa dove si parlava un po' di francese.



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- Visitate le rive del Tamigi solcato da una moltitudine di barche piene di gitanti; da quelle rive abbiamo visto molto bene l'ospedale di San Martino, composto da sei grandi e begli edifici uno uguale all'altro e in mattoni. - Vista la caserma delle guardie della regina; uomini molto belli, vestiti con pantaloni bianchi, stivali alla cavallerizza, una tunica di panno rosso, uno "shako" dorato sormontato da un pennacchio bianco che ricade all'indietro. Questa divisa, molto bella, fa risaltare maggiormente la nobiltà e la dignità di quelli che la indossano. Siamo passati davanti a un edificio immenso e non ancora del tutto finito, costruito in pietra da taglio e con colonne di marmo. Alle nove di sera ci decidiamo a rientrare passando davanti a Charing Cross. Arthur ci invita ad ascoltare un sermone che un prete protestante deve fare nella chiesa di San Giovanni. Cosa andremmo a fare a un sermone in inglese?... Erano quasi le undici quando siamo andati a letto. Mercoledì 8 luglio. - Lancio spiritualmente uno sguardo di tristezza su Charleville, di rimpianto su Isabelle, mia sorella. La noia che si prova anche in mezzo ai più grandi piaceri vuole cercare di entrare anche in me. Ci hanno prestato un libro (La Vera Religione cristiana, di Emmanuel Swedemborg); è un libro protestante. - Impossibile comprare qualunque cosa senza Arthur. Il caldo è opprimente di pomeriggio. Siamo usciti con mio fratello verso le sei. Dopo aver camminato lungo una strada immensa, ci siamo trovati nella città vecchia; non si vedono più come nella nostra zona delle case con piccoli giardini davanti. Il quartiere è più commerciale; i monumenti imponenti. Ci siamo divertiti a guardare a lungo tutti i grandi e bei negozi. Ero meravigliata esaminando tutte quelle stoffe così ricche, così ben lavorate e così a buon prezzo, perché a Londra si trovano capi di abbigliamento per niente in confronto a quelli che vendono in Francia, soprattutto nelle piccole città... erano alla preghiera della sera quando entrammo a San Paolo; ci guidarono molto gentilmente dopo averci dato dei libri di preghiera in inglese... nel luogo riservato alle signore; recitavamo dei salmi; un ministro ne faceva la lettura con una voce dolente e triste; presto la lettura cessò, le signore che erano accanto a noi ci offrirono molto graziosamente un nuovo libro che noi accettammo, rifiutare sarebbe stato una scortesia... e senza organo e senza accompagnamento si levò in quel freddo e severo santuario un canto grave e puro; cantavano uomini e donne. Come ho amato quelle voci, quei suoni, che avevano qualcosa di dolce e di triste, di armonioso e di sublime! Mi lasciai andare a una fantasticheria così dolce e così piacevole che dimenticai tutto quello che mi circondava per ascoltare con tutta l'anima quella melodia così soave e incantatrice. Mai un simile effetto si era prodotto in me; mai avevo sentito impressioni così singolari... Non si sentiva un rumore, non un mormorio; un raccoglimento molto pio aveva seguito i canti; uomini e donne sembravano pregare con reale fervore. Contemplai abbastanza a lungo quell'assemblea composta unicamente di protestanti e mi stupii profondamente della loro eccessiva devozione. Com'è possibile, mi dicevo, che degli uomini che hanno tanto fervore, modestia e attaccamento al loro culto, non appartengano alla vera chiesa; che buoni cattolici sarebbero e che esempio darebbero a tanti altri che sono indegni del bel titolo di cattolici che portano oggi. L'assemblea si disperse in silenzio verso le nove di sera; riguadagnammo il nostro appartamento occupate in pensieri molto diversi.



DIARIO DI VITALIE, DAL 9 AL 14 LUGLIO 1874

Giovedì 9

Alzate alle sette e mezza; oggi abbiamo mangiato delle fragole di giardino molto belle e molto buone, poi del ribes; alle 6 di sera, Arthur rientra dal British Museum, biblioteca e museo, e ci porta in nuove strade tutte da ammirare o per i loro begli edifici o negozi, o per i loro affascinanti giardinetti tutti pieni...



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DAL 9 AL 14 LUGLIO 1874


Giovedì 9


Non dormito, il caldo era insopportabile. Eppure abbiamo una camera spaziosa, a due letti, molto confortevole per me e per la mamma. Quella di Arthur è più piccola... Questa mattina, mio fratello, al quale abbiamo raccontato il nostro malinteso di ieri al mercato, ci dice che nonostante ciò non può essere sempre con noi come i due primi giorni per sistemare ogni cosa e che deve, come faceva prima del nostro arrivo, dedicarsi alle sue occupazioni. Tenta di insegnarmi qualche parola d'inglese con la pronuncia. Il modo in cui ripeto dopo di lui lo fa ridere, poi spazientire. Tuttavia, forti dei suoi insegnamenti, facciamo, con molta difficoltà, la nostra spesa. Comperiamo delle fragole deliziose, del ribes - mio desiderio da molto tempo. - Il latte non è caro: 3 pence (30 cent. circa) il litro. La sera, Arthur rientra dal British Museum. Ci porta per nuove strade, tutte belle e attraenti. Alcune hanno un'aria di freschezza con i loro bei giardini chiusi da ringhiere davanti alle case, e anche le larghe strisce con alberi, fiori ed erba che si trovano ai lati della carreggiata; le altre sono costeggiate di negozi straordinari. Non ci stancheremmo mai di guardarli... Ma fa un caldo molto opprimente. Nutrivo nel mio spirito il desiderio di concedermi un gelato o una limonata. Arthur, così gentile, indovinò il mio desiderio e ottenne che fosse esaudito. Un gelato alla crema, che bontà! Guardammo a lungo un pallone, ecc... Rientrammo alle 10 e mezzo nei nostri appartamenti dove il caldo era soffocante. Venerdì 10. Sveglia alle otto e mezzo. Sempre caldo. Impossibile fare alcunché. Mi sento male. Dev'essere la fatica e la calura. Tuttavia non voglio lamentarmi, perché voglio accompagnare la mamma al mercato: penso che in due ci faremo capire meglio. Comperati bei pesci, ecc. La carne o il pesce, e anche la verdura, comperata al mercato, vengono portati dal rosticcere che li fa cuocere per pochi soldi. Naturalmente è Arthur che ci ha detto come bisogna fare. Il mio malessere aumenta, mi invade. Eccomi in preda a pensieri molto tristi. Mi annoio, piango dentro di me... Cara Isabelle, che il cielo ti ispiri, prega per me, per la mamma, per tre espatriati, ecc. Arthur non rientra a pranzo. Mangio con la mamma. Dopo, mi riprendo, sono più forte. Verso sera, Arthur mi propone di accompagnarmi fino al parco. Accetto una gioia. Lungo il percorso la mamma ha chiesto di vedere i più bei negozi del quartiere. Mio fratello si è prestato con una bontà e una compiacenza perfette, io li ho seguiti di cattivo umore. A cosa serve riempirsi gli occhi e la memoria di tutte queste meraviglie, di tutti questi tesori, se non si compera niente? Che peccato non poter portare a casa niente!... Ho però un po' di speranza per delle belle sottane ricamate, ecc. Il parco è delizioso; è un'oasi, un paradiso. Fatica per trovare una panchina, perché tutte erano occupate. Arthur mi fa bere a una fontana dell'acqua fresca, squisita.



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Sabato 11 luglio

Non è tanto caldo. È piovuto un po' durante la notte. Sono ancora affaticata. Arthur va da certi Inglesi per prepararsi qualcosa. È stato contento ieri, anche lui, poiché insieme a quella di Isabelle, è arrivata una lettera in cui gli propongono tre posti diversi. Ne sono molto contenta per lui e per noi; poiché più presto troverà da sistemarsi, più in fretta noi torneremo in Francia. E per quanto trovi Londra magnifica, mi annoio, amo solo la mia patria. Isabelle ha fatto bene a restare e l'idea che potrei essere con un miracolo vicino a lei mi opprime e mi soffoca, mi impedisce di respirare. Sono uscita con mia madre. Che pazienza, che abnegazione ha mostrato! Che fatica le ho imposto! Ne provo vergogna. Abbiamo avuto bisogno di denaro inglese e, a lungo, abbiamo cercato di spiegarci con un cambiavalute inglese. Ma non c'è stato modo. Che pena, quando non è possibile spiegarsi! Arthur, per fortuna, ritorna e sistema tutto in men che non si dica. Possiamo pranzare a mezzogiorno. Il pomeriggio mi sento meglio del solito, sono allegra. Arthur mi sorride. Mi chiede se voglio accompagnarlo al British Museum. Lì abbiamo visto una quantità di cose notevoli... La biblioteca, dove le signore sono ammesse come gli uomini, conta tre milioni di libri. È lì che Arthur viene così spesso.

Domenica 12 luglio

Ecco dunque la prima domenica che passo a Londra. Al contrario degli altri giorni, non si sente il rumore delle vetture. È bel tempo, fa fresco. Non sento l'abbattimento degli altri giorni. Arthur si annoia. Andiamo in una chiesa protestante. È all'incirca come nelle chiese cattoliche. Belle volte, lampadari, banchi, ecc. Mi ci sono così annoiata che mi pareva di star male. Ne usciamo all'una dopo esserci rimasti due o tre ore. Portiamo a casa della carne di manzo e di maiale per il pranzo. Arthur va a prendere delle fragole deliziose. Oh! quanto mi piacciono! Il pomeriggio, calura soffocante. Se usciamo, sarà solo la sera. Scriverò a Isabelle. `Arthur ci accompagna dappertutto... Non puoi immaginare la fatica che si fa per farsi capire. Non conosciamo nessuno che sappia il francese, se non dove va Arthur. Ora non siamo più così in difficoltà. Agli inizi era sempre necessario che ci fosse Arthur per tutto quello che ci serviva. È vero che è così bravo in tutto, che, quando c'è lui, non è necessario preoccuparsi di niente. Sta molto meglio, ma parecchie persone gli hanno consigliato di andare in campagna, in riva al mare, per riprendersi del tutto.

Lunedì 13 ...

La mamma è ammalata.


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DIARIO DI VITALIE, DAL 14 AL 31 LUGLIO 1874

Martedì 14

La mamma mi dice che si sente un po' meglio; ma è spaventosamente sfatta. Anch'io sono sofferente per scoraggiamento, per noia, per tristezza... Come partire di qui adesso che siamo così lontane dal nostro paese. Provo una specie di disperazione. Se fosse necessario restare qui? Non poter più andare a Charleville... Ma no; spera, mi dice qualcosa dentro di me. La mamma non mi ha forse detto, in effetti, che la settimana prossima, qualunque cosa accada, partiremo. Usciamo la sera. Mi sento meglio. Arthur è di buon umore; non andiamo troppo lontano. Seguiamo dei muri dietro i quali i treni non smettono di correre. Binari dappertutto, stazioni. Ritornando ci divertiamo a guardare la ferrovia sotterranea. Che meraviglia! Passa continuamente sotto delle gallerie, sotto dei ponti e con quale rapidità! I treni sono sempre pieni di viaggiatori che sono molto più vivaci di noi agili Francesi. E questa folla è calma, placida, silenziosa. Non un grido, non un gesto inutile... ecc.

Mercoledì 15

Fa più fresco. La mamma è triste. Forse meno di ieri pomeriggio, tuttavia. Che sete! bevo golosamente del latte fresco. Hanno un latte buonissimo a Londra. Arthur parte. Va al British Museum. Non tornerà prima delle sei di sera. Sono contenta; la morsa che mi soffoca è stata allontanata; sarò un po' libera. Ma con cosa occuparmi? Vado al mercato con la mamma. Fra poco andremo al parco East. È un benessere indescrivibile quello che provo in quel parco. Seduta su una panchina, mi assopisco un po'... Mi sembra di essere a Charleville, nel giardinetto della Stazione. Il cinguettio degli uccelli mi ricorda il canto, il mio amato corso di canto, metà della mia vita, il solo piacere di cui godo al mondo. Quanta gente, di tutti i tipi, di tutte le nazionalità. Non riconosco quasi nessun Francese. Forse non sono fisionomista; ma certamente, se incontrassi dei Francesi, ne avrei un tale piacere che li riconoscerei d'istinto. Non che detesti gli Inglesi, riconosco loro molte qualità: cortesia, probità, tatto, educazione. Ma che freddezza, che rigidità! Quelle persone non hanno alcuna tenerezza, non devono amare mai niente e nessuno. Arthur esce di sera. Per parte nostra, usciamo anche noi. Impossibile restare nella nostra camera, si cuoce, malgrado le sue finestre aperte. Soffro.

Giovedì 16

Niente per Arthur, nessuna novità. Forse è ancora più increscioso per lui che per noi. Probabilmente. Oh, se potesse trovare un posto! Se non trova niente sarà molto infelice. La mamma è così triste, così chiusa... Questa mattina, la mamma sistema il suo bel vestito in seta grigia che si è portata, e anche il suo mantello di merletto. Chantilly, secondo le indicazioni di Arthur, per poterci presentare con lui ben vestite e come referenza di onorabilità. Io scrivo. Arthur legge. Ancora niente dalla Francia. Pazienza, sarà senz'altro per sabato.



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Venerdì 17

Ho visto la Torre di Londra, quella in cui sono stati per così dire sepolti vivi i principi e le principesse delle famiglie nobili d'Inghilterra. II monumento ha un aspetto cupo, che si addice ai ricordi che evoca. Sordo, triste, sinistro, dà i brividi. Avrei voluto entrare, per vedere se l'interno è come l'esterno e conserva vestigia degli antichi prigionieri. Ma sembra che non si possa entrare e che oggi sia quasi disabitata. Arthur ci fa vedere i magazzini generali... È interessante guardar caricare e scaricare le navi con carichi vari.

Sabato 18

Arthur è andato di nuovo a mettere degli annunci e a cercare un altro collocatore. Forse troverà già da oggi un lavoro. O forse sarà per lunedì? Come vorrei già esserci! Che felicità mi porterà lunedì, o che sventura? Abbiate pietà di noi, mio Dio, non ci abbandonate. La sera, ricevuto lettera da Isabelle. Per me è la felicità ritrovata. Domenica, ore otto. Non so ancora cosa faremo oggi. Vorrei tanto assistere alla messa; sono due domeniche che non sento un rito cattolico. Se Arthur ci accompagnasse al quartiere francese, ci troveremmo senza dubbio una chiesa. Eccoci alle dieci e mezzo. In mancanza di meglio, ho riletto una parte della mia grammatica... Dio! come sono tristi le domeniche qui. Finalmente si decide di andare al parco... A tutti i crocevia, nelle strade, del le prediche: ne ho viste sette oggi. La folla circonda i predicatori e li ascolta con raccoglimento e rispetto. Vengono distribuiti dei testi pii. Verso sera, Arthur ha finalmente trovato una chiesa cattolica e francese. Ci accompagna lì. Erano alla benedizione...

Martedì 21

Arthur ha ricevuto una lettera ieri sera. Sono contenta e spero.

Mercoledì 22

Arthur ha appena portato via la famosa scatola destinata alle suore del Santo Sepolcro di New-Hall. Non potendo portarla, ci decidiamo a farla spedire. Questo non comporterà alcuna difficoltà, penso. Ho appena scritto loro per annunciare l'invio della scatola in oggetto...

Giovedì 23

Ho cucito. Noi e Arthur siamo molto imbarazzati, molto perplessi. Posti ce ne sono! Se avesse voluto, sarebbe sistemato e noi saremmo partite. Se avesse voluto, saremmo partite oggi. Oh! Quando penso che questa gioia avrebbe potuto essere la mia in questo momento... Dopo tutto, avrei forse potuto provare un gran piacere a partire, dopo esser stata testimone del dispiacere e delle suppliche di Arthur? La mamma ha detto: ancora otto giorni. Ecco. Ero indispettita e contenta a un tempo: contenta per Arthur. Bah! per lui, io mi ci rassegno comunque.



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Sabato 25

Ecco passata una giornata ben impiegata. Siamo andati al museo di pittura... Ho visto uno dei palazzi della regina. È circondato da alberi. Non mi è parso elegante; mi figuravo diversamente una dimora reale. Le mura, annerite dal tempo, sono senza sculture. Le finestre? sono come tutte le finestre, ma molto piccole. Ci sono ampie scuderie. Ho visto il monumento innalzato in onore del principe Alberto. È tutto dorato. È meraviglioso. Siamo andati in due parchi. In uno di essi, dei soldati inglesi si esercitavano alla guerra simulata. Sono riccamente vestiti. Mi sono molto interessata alle loro divise e ai loro movimenti. Ce n'erano a cavallo ed erano magnifici come tenuta e andatura, loro e le loro cavalcature. Abbiamo mangiato al ristorante e abbiamo preso del tè eccellente con tartine di burro.

Lunedì 27

Ho dormito orribilmente. Delusione: niente lettere, niente. Mi stupisco veramente che non arrivi nulla. Andiamo, pazienza! Ecco che mi sto un po' abituando a questo paese. Mi sembra più sopportabile. Charleville mi sembra un luogo di delizie molto lontano. Mi sembra perfino di dimenticarlo un po'. Oh! no, questo non è possibile: sono fedele ai miei affetti e mi vergognerei a dimenticare la mia patria. Passiamo il pomeriggio al British Museum. Parlerò un po' del museo dove sono andata oggi. Ecco quello che mi ha interessato di più: Le spoglie del re d'Abissinia, Théodoros, e di sua moglie: delle tuniche, una delle quali è ornata di una specie di piccoli sonagli d'argento; la sua corona, con veri diamanti; le sue armi; numerosi copricapo; scarpe della regina sua moglie, in argento con pietre preziose; pettini di legno; forchette e cucchiai grossolani, in legno.

Martedì 28

Niente lettere. È veramente troppo! Spero per la sera.

Mercoledì 29

Questa mattina, verso le nove, mettevo in ordine tutte le mie cose, quando Arthur, cupo e nervoso, ha detto improvvisamente che sarebbe uscito e che non sarebbe rientrato a mezzogiorno. Ma alle dieci ritorna e ci annuncia che par- tirà domani. Che notizia! Ne sono soffocata. Sono almeno contenta, io che ho tanto desiderato questo momento? In coscienza, sarei molto in difficoltà a rispondere sinceramente, e non mi spiego del tutto questa spina che mi tormenta il cuore nel momento in cui dovrei essere così gioiosa. Nel pomeriggio andiamo a comperare diversi oggetti per Isabelle e per me, fra l'altro dei begli scialli; poi, diverse cose per Arthur. Ceniamo con del tè. Accomodo i pantaloni e il cappotto di Arthur; poi, esce. In quel momento, sono le dieci e mezzo. Non so come andranno le cose. Nessuna notizia da nessuno. Isabelle, non sei ragionevole. Sono quasi arrabbiata con te. Non capisco il motivo del tuo silenzio.

Giovedì 30

Arthur non è potuto partire oggi, perché la lavandaia non ha portato le sue camicie. Nel pomeriggio andiamo a comperare della biancheria.



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DIARIO DI VITALIE, DAL 1° DICEMBRE 1875 AL 18 APRILE 1875

Venerdì 31

Ore sette e mezzo del mattino. Arthur è partito alle quattro e mezzo. Era triste. Ore due e mezzo. Partiamo fra un'ora. Che effetto mi fa! II mio nervosismo è aumentato, adesso è diventato angoscia. È mai possibile che io rimpianga Londra a questo punto, che mi sia attaccata a lei senza saperlo, immaginandomi di starci male?... Penso ad Arthur, alla sua tristezza; alla mamma, che piange, che scrive... Partiamo. Non vedrò mai più la nostra camera, né il paesaggio familiare, né Londra.

Martedì 1° dicembre 1874

Questo mese comincia con degli avvenimenti seri. Il mattino, ricevuto una lettera da Arthur. La sera, ho scritto una lettera molto lunga.

Domenica 27.

Sono stata con la mamma a Mézières; passando, abbiamo spedito una lettera, alla stazione, per Arthur". II manoscritto termina con questo commento di Isabelle, messo fra parentesi: [Ritorno a Charleville attraverso Folkestone, Ostenda, Bruges, Alost, Bruxelles, Namur, Dinant, Givet, certamente secondo un itinerario tracciato da Arthur che ha avuto cura, come si vede, di far prendere alle viaggiatrici una strada diversa da quella dell'andata; senza alcun dubbio allo scopo di far loro vedere dei paesi nuovi e di variare così i loro interessi].

Martedì 29

Arthur è ritornato alle nove del mattino. Fa molto freddo; neve e ghiaccio dappertutto. Alle due, arrivo di un fattore; resta da noi fino alle sei. Dopo cena, verso le nove di sera, nuova sorpresa: ci appare Frédéric. Sono davvero felice e soddisfatta. È molto cresciuto ma è diventato molto più esile dell'anno scorso, ma il suo cambiamento gli sta a meraviglia. Sistemiamo gli appartamenti per passare la notte. Quante cose ci ha detto! Siamo andati a letto a mezzanotte ma non mi sono addormentata prima dell'una del mattino. Avevo la mente piena dei vari avvenimenti che erano accaduti durante la giornata. Mia madre è soddisfatta e anch'io. Trovo che tutto va bene per il momento.

Domenica 10 [gennaio]

Andiamo alla messa delle nove. Frédéric parte alle quattro del mattino. Sono triste. Vorrei che ci fosse Isabelle. La serata passa in chiacchiere amichevoli. Andiamo a letto tardi. Alle quattro Frédéric viene a salutarci. Com'è passato in fretta il tempo da quando è tornato; già quindici giorni. E stato così gentile. Penso all'anno prossimo. La mamma è andata ad accompagnarlo.

Sabato 13 [febbraio]

Comincio già a sentire gli effetti a distanza dell'avvicinarsi della primavera, cioè questa specie di tristezza che è necessario scrollarsi di dosso se non si vuole provare una specie di noia assolutamente spiacevole. 6 marzo, sabato. Sono uscita oggi; è la prima volta dopo quindici giorni. Siamo andate ad affittare un appartamento; sono soddisfatta.



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Domenica 21 [marzo]

Isabelle la mia piccola Isa è ritornata ieri; povera cara non è tanto allegra; ma io sono molto contenta; forse si tratta di egoismo ma voglio essere soddisfatta almeno per un giorno. Domenica 18 aprile Cinque giorni fa, Arthur mi ha fatto una gradevolissima sorpresa; ha avuto la squisita gentilezza di mandarmi un giornale illustrato che è grosso come un volume di media grossezza, ma... è tedesco! Per fortuna Isabelle troverà da farselo leggere al Santo Sepolcro e potrà metterci al corrente di quello che quel giornale contiene.


Vitalie







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